Asthme
Depuis une vingtaine d'années, le rôle des cellules TH1 et TH2 dominait la compréhension des mécanismes des maladies allergiques et de l'asthme. Les cellules TH1 étaient dotées d'un rôle protecteur et les TH2 intervenaient dans la production des médiateurs de l'allergie. « Un travail récent (1), souligne le Pr Philippe Godard, montre à travers une revue générale que les cellules TH1 ont plutôt un rôle actif dans l'inflammation qu'une activité anti-inflammatoire et qu'elles n'interviennent probablement pas dans les mécanismes primaires de protection contre les maladies allergiques et notamment contre l'asthme. En revanche, d'autres cellules de régulation (TH3, TR, CD25) sont très probablement impliquées dans la protection vis-à-vis de l'allergie et de l'asthme en développant une réponse anti-inflammatoire et une activité immunitaire. Cela, souligne le Pr P. Godard, est particulièrement intéressant car une action sur ces cellules pourrait constituer dans le futur un point d'impact thérapeutique chez les patients allergiques. »
Autre élément important de ce travail : sa concordance avec l'hypothèse « hygiéniste », qui veut que l'exposition aux germes de l'environnement et aux infections courantes crée un état de tolérance vis-à-vis de l'asthme, des maladies allergiques et auto-immunes. Ainsi, l'infection par le virus de l'hépatite A (VHA) est associée dans plusieurs études à une protection contre le développement de l'asthme et de l'atopie. La diminution de l'incidence de l'infection virale A est importante dans les sociétés industrialisées et, selon les auteurs de l'article, contribuerait à l'augmentation de celle de l'atopie. L'explication proposée passe par une intervention du VHA sur les cellules T et particulièrement sur la balance TH1/TH2.
« Concernant l'hypothèse hygiéniste, insiste le Pr P. Godard, des études doivent encore être menées. Mais, comme le montre un travail publié en octobre 2003 (2), il est clair que des relations entre des maladies infectieuses et le développement de l'asthme ou d'une allergie existent. Pour preuve de l'implication des bactéries, Erika von Mutius a publié dans le New England Journal of Medicine (2002 ; 347 : 869-877) les résultats d'une étude montrant une prévalence plus faible de l'asthme chez des enfants élevés dans des fermes que chez des enfants élevés en milieu urbain, théoriquement plus propre. On observe aussi moins d'asthme et moins d'allergies dans les pays à forte infestation parasitaire. »
Mais, si ces relations existent, elles sont pour le moins complexes. Un exemple : l'exposition précoce à certains virus (VRS par exemple) préviendrait l'atopie, alors qu'une exposition tardive la favoriserait.
L'âge de la vie auquel survient l'exposition a donc parfois son importance. Il en est de même de la quantité et de la variété des germes, du mode d'infestation, de la fréquence de celles-ci, des coexpositions (d'un virus et d'un allergène, par exemple)... et aussi de la génétique. A ce propos, l'étude parue en octobre 2003 (2) montre qu'il n'y a pas de relation entre l'infection par C. pneumoniae et le développement de novo d'un asthme, sauf si les sujets sont porteurs d'un allèle particulier.
« En outre, ajoute le Pr P. Godard, l'étude Isaac (3)réalisée sur des milliers d'enfants et dont les résultats ont été croisés avec ceux de l'OMS montre que la tuberculose aurait un effet protecteur contre l'asthme. Cela demande évidemment confirmation, mais pourrait nous conduire à envisager un vaccin antiasthmatique à partir d'antigènes de mycobactéries. C'est une hypothèse un peu futuriste, mais qui sait ? »
Les exacerbations de l'asthme.
En première analyse et quel que soit l'âge, les exacerbations sont généralement la conséquence de l'inobservance thérapeutique. Cette affirmation un peu lapidaire peut paraître en contradiction avec la suite de cet article. Mais il en existe de nombreuses preuves. Par ailleurs, l'impact thérapeutique est certainement plus important sur l'observance que sur les virus. Chez l'enfant, on le sait depuis longtemps, l'infection virale est extrêmement fréquente au cours des périodes d'aggravation. Chez l'adulte également, puisque sa prévalence varie, selon les études, entre 35 et 84 %. Les virus en cause sont essentiellement le VRS, des picornavirus, des adénovirus. Le virus de la grippe serait, quant à lui, plus fréquemment responsable des poussées de Bpco que des poussées asthmatiques. Des récepteurs au rhinovirus étant présents au niveau des cellules épithéliales bronchiques des malades asthmatiques, on comprend que ceux-ci puissent être particulièrement sensibles à ce virus. Chlamydia pneumoniae a souvent été accusé d'entraîner des exacerbations, mais les preuves font défaut. « Malheureusement, précise Philippe Godard, car son implication dans les exacerbations imposerait la prescription de macrolides, geste thérapeutique simple. »
Les corticoïdes inhalés restent la pierre angulaire du traitement de fond de l'asthme. En plus de leur action sur le contrôle de l'asthme la maladie et donc sur la fréquence des exacerbations, ils diminuent le nombre des récepteurs aux (rhino)virus.
Aujourd'hui, selon les recommandations internationales, l'antibiothérapie a deux indications dans la maladie asthmatique : en cas de pneumopathie objectivée cliniquement et radiologiquement et lors d'une sinusite (douleurs, fièvre, niveau hydroaérique à la radio). « Contre l'infection virale, nous sommes assez dépourvus, insiste le Pr Godard. Quant à la vaccination antigrippale, si plusieurs études ont montré l'absence d'effets secondaires, des travaux très récents (publiés en octobre et décembre 2003) ont montré également son absence d'effet protecteur contre les exacerbations de la maladie asthmatique aussi bien chez l'enfant que chez l'adulte. »
Restent aux mécanismes des cellules impliquées dans l'inflammation et ses processus à dévoiler encore de nombreuses preuves....
D'après un entretien avec le Pr Philippe Godard, CHU de Montpellier
(1) Umetsu DT et coll., « Regulatory T cells control the development of allergic disease and asthma ». J Allergy Clin Immunol 2003;112:480-487.
(2)Liu Andrew H., et coll. Fact or fiction ? J Allergy Clin Immunol 2003;111:471-478
(3) International Study of Asthma and Allergy in Childhood, Shirtcliffe P. et coll. Respiratory 2002 ; 7 : 153-155
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