L’AUGMENTATION de fréquence des maladies allergiques et auto-immunes apparaît parallèle à la diminution des maladies infectieuses. Aujourd’hui, 10 % des jeunes Français sont atteints d’asthme ou de dermatite atopique ; quant aux maladies auto-immunes, il en va de même, et la fréquence du diabète insulinodépendant ne cesse d’augmenter, même si l’augmentation des cas de sclérose en plaques (SEP) marque un plateau.
Selon l’hypothèse « hygiéniste », c’est la diminution de la stimulation du système immunitaire par les agents infectieux qui est à l’origine de l’augmentation de l’incidence des maladies allergiques et auto-immunes. La disparité géographique de ces maladies, avec un gradient Nord-Sud pour la SEP et le diabète insulinodépendant, est extrêmement suggestive, ces deux maladies auto-immunes étant plus fréquentes dans le nord de l’Europe que dans le sud, au Canada qu’au Mexique et en Europe qu’en Afrique. Si ces données apparaissent moins nettes pour les maladies allergiques, la corrélation avec le niveau socio-économique est marquée, et on retrouve un gradient entre pays développés et moins développés.
L’Allemagne, un exemple frappant.
L’exemple de l’Allemagne est, dans ce sens, tout à fait frappant : on retrouve une fréquence plus importante de maladies allergiques dans l’ancienne Allemagne de l’Ouest, contrairement à ce que l’on pouvait attendre avec une pollution plus importante dans l’ex-RDA. Certains auteurs ont même retrouvé, au sein même des pays européens, un lien entre le produit national brut et la présence d’asthme, de sclérose en plaques et de diabète. Il semble bien exister une corrélation entre les revenus et la dermatite atopique.
L’apparition de ces maladies allergiques et auto-immunes dans des populations migrantes avec une fréquence comparable à celle du pays d’accueil plutôt que des pays d’origine va dans le même sens, comme en témoigne l’apparition de cas de diabète insulinodépendant chez des Pakistanais vivant en Angleterre, et ce dès la première génération de migrants, les enfants pouvant être atteints s’ils ont migré avant l’âge de 6-7 ans ; ou d’Américains migrants d’Afrique de l’Ouest et atteints de lupus, alors que cette maladie n’existe quasiment pas dans leur pays d’origine.
Les modèles expérimentaux réalisés chez les animaux en apportent la démonstration directe.
Les animaux de la campagne, les crèches.
Les maladies auto-immunes et allergiques expérimentales se développent peu dans un environnement « sale », alors que leur expression est complète dans les environnements « propres » dépourvus d’agents infectieux. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’asthme n’est pas plus fréquent à la ville qu’à la campagne ; néanmoins, la fréquence est plus basse à la campagne lorsqu’il s’agit d’enfants qui vivent dans une ferme avec des animaux. Les enfants mis dès les premiers mois en crèche développent plus d’infections, mais ont moins de maladies atopiques. Dans une même fratrie, l’ordre de naissance joue également un rôle, et on rencontre plus fréquemment un asthme, un diabète insulinodépendant ou une sclérose en plaques chez l’aîné.
Les souris qui résistent au diabète dans une cage sale.
Enfin, un fait est bien connu des chercheurs : alors que toutes les souris développent un diabète insulinodépendant vers l’âge de 3-4 mois, on note une très nette diminution du nombre de cas de diabète dès que l’animalerie n’est pas propre. On obtient également des données identiques avec le lupus ; en effet, les infections par le paludisme suppriment complètement l’éventualité d’un lupus chez la souris. L’hypothèse du rôle joué par cet environnement « sale », bien que variant selon les maladies, ouvre des perspectives intéressantes sur de nouvelles approches thérapeutiques fondées sur la vaccinothérapie. Elle pose également d’importantes questions sur les mécanismes sous-jacents qui éclairent d’un jour nouveau la physiopathologie des maladies liées à un état d’hyperimmunité.
D’après la communication du Pr J.-F. Bach (secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, service d’immunologie clinique, hôpital Hôtel-Dieu, Paris) lors des 49es Journées de biologie clinique Necker-Institut Pasteur.
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