Qui eût cru que l’apparition du diabète de type 2 tienne à un battement de cil ? Des chercheurs du Karolinska Institute de Stockholm suggèrent pour la première fois que le diabète de type 2 pourrait être une maladie des cils primaires, ces cils non motiles. Selon l’équipe suédoise, les cils situés à la surface des cellules bêta pancréatiques sont recouverts de récepteurs à l’insuline et leur dysfonction pourrait être associée à l’apparition d’un diabète.
Contrairement aux cils vibratiles, qui sont restreints à des localisations bien précises (ventricules cérébraux, arbre trachéo-bronchique, trompes, spermatozoïdes), les cils primaires se retrouvent à la surface de la quasi-totalité des cellules de l’organisme. Leur rôle attire de plus en plus l’attention depuis quelques années et a été impliqué dans de nombreuses pathologies appelées « les ciliopathies ». Ces extensions cellulaires, développées à partir du cytosquelette et des microtubules, sont comparées à des « antennes », qui captent des signaux extérieurs et les transmettent au sein de la cellule. Les cils se sont ainsi vus attribuer le rôle d’organelle sensoriel. De fait, ils portent à leur surface de nombreux récepteurs, différents selon le type cellulaire.
Un nouveau venu dans le spectre des ciliopathies
Les ciliopathies, ces maladies des cils, recouvrent un spectre très vaste de pathologies, les plus représentatifs étant les syndromes de Bardet-Biedl et d’Alström, dits BBS et ALMS. La dystrophie rétinienne et les kystes rénaux sont des caractéristiques assez fréquentes. Une dysfonction ciliaire des cellules nodales cardiaques a été impliquée dans le situs inversus, celle des cellules sensorielles dans l’anosmie et la rétinite. Quant aux cils vibratiles qui sont censés mettre en mouvement les liquides, défectueux, ils peuvent entraîner selon leur localisation des infections respiratoires (arbre trachéo-bronchique), une infertilité (voies génitales) ou une hydrocéphalie (cellules épendymaires). D’autres symptômes, tels que polydactylie, obésité ou ataxie, peuvent être rencontrés.
Un modèle murin ciliopathe
Tout un faisceau d’arguments suggérait que les cils jouent un rôle dans l’apparition du diabète. Le diabète de type 2 est fréquent dans les syndromes BBS et ALMS, avec un surrisque non expliqué par la seule obésité pour ce dernier, et des paramètres glucidiques perturbés,malgré l’absence d’obésité, dans la maladie polykystique rénale autosomique dominante. De plus, plus de 2/3 des gènes de susceptibilité du diabète de type 2 étaient en rapport avec le protéome ciliaire. Comme l’explique le Dr Jantjes Gerdes, premier auteur de l’étude : « Il était connu depuis quelque temps que le taux de diabète de type 2 était au-dessus de la moyenne chez les sujets ayant une ciliopathie (...). Nos résultats confirment cette observation et expliquent en plus comment les cils sont liés au métabolisme du glucose et au diabète ».
Des récepteurs à l’insuline sur les cils
Chez des souris normales et dans un modèle murin de ciliopathie (souris BBS4), les chercheurs suédois ont effectué toute une série d’expérimentations pour tester la fonction ciliaire sur la sécrétion d’insuline par les cellules bêta pancréatiques. L’équipe a constaté qu’en présence de glucose, le nombre de récepteurs à l’insuline augmente à la surface des cils. Puis quand l’insuline circulante se lie à ces récepteurs, elle stimule le relargage de davantage d’insuline. De plus, les rongeurs ciliopathes ont un métabolisme glucidique anormal, avec une sécrétion moindre d’insuline, par rapport à des rongeurs sains, et ce, avant même l’apparition de l’obésité. L’ensemble de ces observations font penser que les cils jouent un rôle important dans la sécrétion d’insuline et la transduction du signal.
« La dysfonction ciliaire et l’utilisation déficiente du glucose sont directement liées, souligne le Dr Per-Olof Berggren, l’investigateur principal. Les ciliopathies sont potentiellement un modèle dans l’investigation de nombreux mécanismes encore inconnus qui sous-tendent le diabète ». L’étude suédoise est novatrice puisque c’est la première à démontrer le rôle des cils primaires dans la sécrétion, la signalisation d’insuline et la susceptibilité au diabète de type 2. Pour les chercheurs, alors que le diabète de type 2 touche plus de 382 millions d’individus dans le monde, leurs travaux offrent « une nouvelle approche d’intervention thérapeutique ».
Nature Communications, publié en ligne le 6 novembre 2014
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