La santé en librairie
La transe hypnotique nous déboute de notre pouvoir ; l'enfermer dans une définition est a priori une imposture. C'est pourquoi théoriser l'hypnose n'est pas simple, explique François Roustang. D'autant plus difficile que les mots sont exclus de la transe hypnotique et qu'il y a donc une contradiction apparente à vouloir la définir et l'expliquer avec ces outils.
Pourtant, s'il est un adepte du « lâcher-prise », cet « hypnothérapeute » n'est pas du genre à démissionner. D'où ses efforts pour cerner au plus près l'hypnose, cette expérience de la « perceptude », selon ses propres mots, son souci d'éviter aux « hypnotistes » sérieux d'être rangés parmi les « charlatans et vulgaires rebouteux incapables de justifier leur pratique ».
La tête dans les pieds et les pieds sur terre
Comment aider des gens qui souffrent à changer, à accéder à un autre niveau de relation et de perception au monde ? Cet ancien jésuite, s'il refuse désormais les dogmes, les croyances et la transcendance, n'en est pas moins un défenseur de l'abandon et du dépouillement. Oublions notre perception des choses pour accéder à un autre niveau, celui de la perceptude, qui nous permet enfin « d'habiter le système relationnel dans lequel nous sommes insérés », explique-t-il.
Cet état permet en effet aux sujets qui souffrent de passer d'une perception atomiste à une perception holiste du monde, de l'état d'être parlant à celui d'être vivant, affirme François Roustang. Autrement dit, on ne guérit pas de son mal-être en s'autoanalysant longuement avec des mots, mais en habitant notre monde. « Imaginez que votre tête est dans vos pieds », suggère le thérapeute. Cette capacité de s'ouvrir à de nouveaux liens avec le monde est une des conditions de la résilience. Se rassembler, refaire l'unité de la personne, exige une grande souplesse, que peut procurer la transe hypnotique ; cette pratique est aux antipodes de l'ésotérisme, dans la mesure où sa visée est le renouvellement du quotidien et non sa fuite.
La précision du geste
Cette thérapie, quand elle se révèle efficace, permet de s'abandonner pour être en adéquation avec le monde ; ce qui n'est pas sans rappeler certaines pratiques orientales, comme le zazen, ou certaines expériences, comme celle du philosophe allemand Herrigel avec la mystique japonaise et le tir à l'arc, récit d'apprentissage particulièrement exemplaire pour F. Roustang. De fait, l'auteur accorde une grande importance à la posture et au geste. La pratique de l'hypnose « n'est rien de plus et rien de moins que le geste accompli de la vie quotidienne. Elle a pour but d'en faire et refaire chaque jour l'unité, celle de l'intelligence du corps dans son espace », dit-il.
Il ne s'agit pas d'entrer dans un autre monde, mais d'opérer un retour en arrière, de rompre les chaînes de la perception et les mots qui nous ligotent pour revitaliser l'existence. En somme, dit-il, l'hypnose permet de vivre l'expérience que peut faire un nouveau-né lorsqu'il tombe dans un univers déjà constitué et dans lequel il lui faut trouver sa place. Rencontrer l'évidence de la vie. « Nous n'avons plus d'idéologie. Celles qui dépendaient des religions se sont abîmées dans le fondamentalisme ou l'intégrisme, celles qui se référaient à la nation sont devenues exsangues et ne peuvent être renflouées, le marxisme n'est plus de mise et le freudisme attend sa chute du mur de Berlin. Qu'est-ce qui peut nous soutenir, si ce n'est l'évidence de la vie ? » A chacun de choisir sa recette pour s'accorder avec le monde.
« ll suffit d'un geste », de François Roustang, Editions Odile Jacob, 238 pages, 21,90 euros.
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