LES MENACES environnementales recouvrent un flot de situations connues ou inattendues. Bien sûr, l'urbanisation galopante de la planète et la mondialisation des échanges font naître de nouvelles menaces, au premier rang desquelles la grippe aviaire, le sras et le chikungunya occupent encore tous les esprits. Dans ces conditions, le retour à l'hygiène dans sa dimension tant comportementale qu'individuelle devient une priorité absolue. «Mais finalement, la difficulté ne serait-elle pas de traduire la santé publique en vie de tous les jours?», s'interroge le Dr Alain Marié, directeur médical du « Quotidien », en précisant que les facteurs environnementaux et comportementaux susceptibles d'avoir un effet délétère sur la santé figurent dorénavant au rang des priorités édictées par le Conseil national de la formation continue.
Profitant de ce débat lancé dans le cadre du MEDEC, le Pr François Bricaire (Pitié-Salpêtrière, Paris) va droit au but. Il évoque de multiples risques exigeant le retour à l'hygiène, parmi lesquels, la « peste aviaire », mais aussi la dengue, qui gagne du terrain, le trachome, dont l'apparition demeure directement liée au manque d'hygiène. Le moustique, vecteur idéal de transmission du chikungunya, trouve aussi des conditions de développement favorable dans toutes les flaques stagnantes ou les déchets solides qui peuvent joncher le sol.
«Les déchets non collectés dans les pays du Sud continuent d'augmenter les risques de maladie, de pandémie et de mortalité pour la population», confirme Bruno de Buzonnière, qui dirige le département santé de Veolia Environnement, société qui oeuvre pour l'accès à l'eau potable, l'assainissement et la propreté en France, mais aussi à travers le monde. L'entreprise, qui apporte aujourd'hui de l'eau à 110 millions de personnes dans 57 pays, «mesure les difficultés essentielles liées à l'assainissement, qui, contrairement aux idées reçues, serait une priorité avant la distribution l'eau dans les pays du Sud», souligne Bruno de Buzonnière, affirmant même que «75% des maladies seraient directement liées au problème de l'eau au Bangladesh et que les diarrhées infantiles continuent de tuer 2,2millions d'enfants de moins de 5ans à travers le monde chaque année».
Cette réalité lui permet de mesurer la distance qui nous sépare encore du principe romain «Solus publica suprema lex esto», qui situait déjà, selon lui, la santé publique au rang des lois suprêmes. Des lois que notre société a eu tant de mal à voter une première fois en 1902, comme le rappelle le Pr William Dab, qui participait au débat. Aujourd'hui, l'établissement et le maintien de l'hygiène continuent de représenter ce premier pas contre les pandémies. Le directeur santé de Veolia précise d'ailleurs que ces efforts passent par des choses aussi essentielles que «la construction de latrines, auxquelles deux milliards de personnes sur la terre n'ont pas encore accès».
Les dangers urbains.
Partout, l'hygiène est avant tout l'affaire de chacun. Or, si l'on sait aujourd'hui que la propreté présente des avantages essentiels pour rester en vie dans certaines régions du monde, elle n'est pas érigée en règle d'or dans toutes les villes.
A Lyon, la salubrité des habitations, la propreté des moyens de transport et des lieux publics, la qualité de l'alimentation, de l'eau ou de l'air sont surveillées et rigoureusement contrôlées par à la direction d'écologie urbaine de la ville. A la tête de ce service, le Dr Philippe Ritter évoque avec délice cet incident de 1667, année au cours de laquelle Racine avait été condamné pour avoir laissé ses déchets sur le pas de sa porte. Son comportement était pourtant civique à une époque où les excréments étaient directement jetés par la fenêtre. C'était en effet bien longtemps avant l'audacieuse initiative du préfet Eugène Poubelle en 1883.
L'anecdote ne permet pas d'évacuer la rude réalité. Philippe Ritter cite «le problème croissant des accumulateurs qui entassent dans leur logement des déchets ou des détritus de toute nature, faisant courir un risque évident en termes de salubrité et de sécurité». L'hygiène du milieu devenue une priorité s'affirme à présent comme un élément de décision déterminant dans l'élaboration du développement urbain. A la pollution de l'air s'ajoute celle du sol. Si la charte d'Ottawa amène aujourd'hui les décideurs à prendre connaissance du niveau de pollution des sols avant de construire des bâtiments, le caractère peu contraignant des mesures n'empêche pas «notre société libérale avancée de créer les taudis de demain», regrette Philippe Ritter.
Hier, la ville s'occupait avant tout d'assainissement. L'urgence était de séparer le réseau d'égouts de celui de l'eau. Aujourd'hui, les problèmes alimentaires, la vaccination, mais aussi les difficultés à observer une hygiène stricte continuent de faire peser une menace réelle sur l'ensemble de la société. Certains principes relevant des libertés publiques et du droit de propriété limiteraient effectivement ce contrôle dans les agglomérations et compliqueraient la traduction dans les faits de l'adage « mieux vaut prévenir que guérir ».
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