Homéostasie du fer
NOTRE ORGANISME absorbe normalement 1 ou 2 mg de fer par jour. Les pertes sont de l'ordre du milligramme et ne sont pas réglées ; elles se font par la desquamation des entérocytes, par celle de différents épithéliums, par les menstruations... Or la quantité de fer présente dans le régime alimentaire est nettement supérieure (10-20 mg par jour). Des mécanismes gouvernent donc la quantité de fer absorbé. « Cela fait cinquante ans que l'on soupçonnait l'existence d'un mécanisme de nature hormonale permettant d'ajuster la proportion de fer alimentaire absorbé aux besoins de l'organisme, souligne le Pr Axel Kahn. Cette régulation est essentielle pour faire face dans certaines conditions à une diminution des stocks de fer, une augmentation de l'érythropoïèse, et une hypoxie. »
Hasard.
La découverte en 2001 de l'hepcidine, hormone de régulation de l'absorption du fer, fut tout à fait fortuite. L'équipe qui l'a mise en évidence (Sophie Vaulont et coll.) travaillait à la régulation des gènes par les sucres chez des animaux dépourvus d'un facteur de transcription, l'USF2 (Upstream Stimulatory Factor 2), supposé être impliqué dans le métabolisme du glucose. A la surprise des chercheurs, ces souris ont présenté en vieillissant, un pancréas et un foie anormalement colorés en marron, signe d'un dépôt de fer, comme dans l'hémochromatose héréditaire. En revanche, leur rate est beaucoup moins chargée en fer que celle des animaux témoins. S'est alors posée la question de savoir pourquoi ces souris étaient une phénocopie de l'hémochromatose. Les chercheurs ont établi alors une banque soustractive d'ARN, permettant de voir si l'expression d'autres gènes était affectée chez leurs animaux transgéniques. Ce fut le cas pour l'un d'entre eux correspondant à la séquence d'un peptide de 25 acides aminés dénommé hepcidine. Pour A. Kahn, S. Vaulont et leurs collègues, l'hepcidine était probablement et, surtout, une véritable hormone qui agissait sur les cellules intestinales pour inhiber l'absorption de fer : en son absence, le métal serait transféré sans limite dans la circulation sanguine.
Pour tester cette hypothèse, les biologistes parisiens multiplièrent les expériences. Ils vérifièrent d'abord que d'autres souris transgéniques sans USF2, provenant d'un autre laboratoire, et pourvues, quant à elles, d'un gène de l'hepcidine intact, n'avaient pas de surcharge en fer. Ensuite, ils créèrent des souris transgéniques dont le foie surexprime l'hepcidine, pariant que celles-ci présenteraient une anémie. Ce fut le cas. L'hepcidine se révéla donc être ce régulateur de l'homéostasie du fer.
Action sur la ferroportine.
Restait à savoir comment agit exactement l'hepcidine. Rappelons que le fer est amené par le DMT1 (Divalent Metal Transporter 1) au niveau intraluminal de l'entérocyte. A ce niveau, il va soit être couplé à une protéine de stockage (la ferritine), soit se diriger vers le pôle basal. C'est une protéine, la ferroportine qui permet le transport transmembranaire du fer vers la circulation sanguine.
On savait déjà que, dans les conditions où l'hepcidine est inhibée, par exemple chez des souris soumises à un régime déficient en fer, la ferroportine et le DMT1 sont augmentés. Dans un récent article de « Science » (octobre 2004, vol. 28), des chercheurs ont démontré qu'une surcharge en fer libère l'hepcidine qui se fixe à la ferroportine, entraînant son internalisation et son agrégation par des protéases. Dès lors, les entérocytes sont surchargés en fer qui ne peut pas pénétrer dans la circulation sanguine et qui est éliminé lors de la desquamation de ces cellules.
« La découverte de l'hepcidine et de son mode d'action permet aujourd'hui d'établir un lien unificateur entre la physiologie et la régulation du fer et sa pathologie, conclut A. Kahn. Il ne fait aucun doute que le traitement des maladies de l'homéostasie du fer par des agonistes de l'hepcidine en cas de surcharge ou par des antagonistes pour s'opposer aux conséquences hématologiques de l'inflammation trouvera une large utilisation en médecine. »
D'après la communication du Pr Axel Kahn (institut Cochin, Paris).
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