COMMMENT DOIT-ON envisager les effets cancérogènes des faibles doses radioactives (de 1 à 100 mSv) ? La plupart des études épidémiologiques appliquent le concept «toute radiation, si minime soit-elle, est toxique», explique l'une des organisatrices de la journée scientifique consacrée aux faibles doses, le Dr Nicole Colas-Linhart, du laboratoire de biophysique Bichat-Paris-VII*. «Elles utilisent une relation dose/effet linéaire sans seuil, y compris au niveau de l'irradiationnaturelle.» Toutefois les dernières études rétrospectives publiées montrent «un risque à long terme réduit» de leucémies chez les survivants d'Hiroshima-Nagasaki ayant reçu de faibles doses, par rapport à la population japonaise non exposée. «La relation linéaire sans seuil et la notion de dose collective sont fondées sur l'idée que tout électron passant à travers un noyau cellulaire a une probabilité constante de provoquer des lésions de l'ADN, indépendamment du nombre d'électrons traversant ce noyau. A l'époque où cette hypothèse a été faite, on ignorait totalement les mécanismes de défense: réparation de l'ADN, l'apoptose et l'adaptation. On pensait que toute lésion, une fois créée, était irréversible et pouvait induire une mutation», indique le Pr Maurice Tubiana, qui ouvrira le colloque.
Le phénomène d'adaptation et d'hormesis.
Dans une intervention commune, le Dr Colas-Linhart et le Pr Yvon Grall, ancien chef du service de médecine nucléaire de l'hôpital Lariboisière, s'intéresseront à l'effet dit d'hormesis. «Le phénomène d'hormesis est connu et a été décrit comme un phénomène de réponse du corps, qui, soumis à de faibles doses de radioactivité, pourrait ensuite se défendre contre une irradiation plus massive», témoigne le Pr Grall. La réaction provoquée par un stress dû à l'irradiation provoquerait la mise en place de systèmes de défense qui permettraient de lutter également contre les lésions provoquées par l'oxygène et les radicaux libres. L'hormesis a été prouvé à partir de l'expérimentation végétale et animale. Mais le phénomène existe-t-il chez l'homme? Pour le Pr Tubiana, «il existe une donnée solide: la diminution de la fréquence des leucémies chez les gens d'Hiroshima-Nagasaki ayant reçu des doses inférieures à 150mSv. Chez ces personnes, non seulement la fréquence des leucémies n'est pas augmentée, mais elle est diminuée, à la limite de la signification». Le Dr Nicole Colas-Linhart évoquera également les exemples de la radioactivité naturelle et de Tchernobyl. La radioactivité naturelle moyenne dans le monde est de 2,4 mSv par an. Mais certaines régions dépassent largement ce niveau. Alors que dans la région de Ramsar, en Iran, la radioactivité s'élève à 480 mSv, «aucune augmentation de l'incidence du cancer ou de leucémies n'a été notée», reprend le Dr Colas-Linhart. De même, la fertilité et la natalité sont jugées «normales par rapport aux populations contrôles». Concernant la catastrophe de Tchernobyl, «l'impact sanitaire du stress lié à l'événement lui-même puis aux mesures d'évacuation de territoires (au total 350 000 personnes) et enfin à la surestimation des risques a été considérable», reconnaît le Dr Colas-Linhart. Toutefois, selon deux études publiées en 2006, on aurait constaté moins de maladies infectieuses et moins de leucémies entre 10 et 200 mSv.
Le Dr Roland Masse (Académie des technologies), qui interviendra notamment sur les effets des radiocontaminants, regrette que l'hypothèse de l'hormesis ne soit jamais envisagée dans les études épidémiologiques, en particulier celles sur les travailleurs du nucléaire. Or, «si les effets de l'hormesis existent à un niveau de débit de dose et de dose totale délivrée faibles, on ne pourra le mettre en évidence que s'il est recherché», remarque-t-il.
Pour le Dr Nicole Colas-Linhart, ce colloque, qui pose la question des phénomènes d'adaptation et d'hormesis, est un des moyens pour lutter contre la radiophobie ambiante, laquelle n'est pas sans effet du point de vue médical. Certains malades refusent des examens diagnostiques telle qu'une radiographie ou une mammographie. Parmi les autres sujets traités, l'exposition au radon qui vient de faire l'objet d'un numéro thématique du « Bullein épidémiologique hebdomadaire » (le « Quotidien » du 15 mai 2007) sera également évoquée.
Colloque « Faibles doses et cancers : de l'épidémiologie à la biologie », le mercredi 23 mai, de 10 à 17 heures, à l'UFR Lariboisière-Saint-Louis, 10, avenue de Verdun, Paris-X. Renseignements au 01.44.85.63.09 ou faibledose2305@aol.com
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