Une échéance électorale très particulière

L’horizon obscurci de 2007

Publié le 01/05/2006
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IL DEMEURE que, si l’on se réfère à la succession rapide des événements, depuis la mise à sac des cités jusqu’à la mobilisation du peuple contre le CPE, on est enclin à penser que des faits nouveaux changeront inévitablement la donne d’aujourd’hui. La droite peut se refaire une santé par des coups d’éclat ; il n’est pas indifférent, de ce point de vue, que le plan Cancer de Jacques Chirac soit salué comme un succès trois ans après sa mise en oeuvre ; ou que le taux de chômage commence à diminuer sensiblement ; ou, enfin, que Dominique de Villepin, certes, pour rebondir dans les sondages, cherche des thèmes porteurs susceptibles d’améliorer le jugement que les Français formulent sur lui.

Quant à la gauche, elle continuera à jeter la suspicion sur tout ce que le gouvernement voudra entreprendre, comme elle l’a fait, non sans succès, jusqu’à présent, en stigmatisant à peu près tous les projets de réforme. Elle a réussi, en vérité, à couvrir d’opprobre les programmes les mieux intentionnés de la majorité. Si l’on en juge par la méfiance que le pouvoir inspire aux Français selon les sondages, les dégâts sont peut-être irréversibles.

C’est toutefois dans les situations de crise – et tout laisse penser que nous n’en serons pas sortis l’année prochaine – que se révèlent les meilleurs talents politiques, y compris celui de M. Chirac, qui souffre, depuis quatre ans, de n’avoir été bien servi personnellement ni par Jean-Pierre Raffarin ni par Dominique de Villepin. L’actuel Premier ministre porte une part de responsabilité énorme, dans la mesure où il ne s’est même pas donné le temps de sombrer dans l’impopularité ; il s’y est précipité lui-même instantanément, en abandonnant à d’autres (et notamment à M. Sarkozy, son rival) le champ de ruines qu’a causé de manière inéluctable sa fausse conception de l’autorité. Dire : je suis le chef, je décide, puis : je ne peux plus rien, sortez-moi de là, voilà la démarche la plus dérisoire que l’on puisse entreprendre.

L’exécutif disqualifié.

Dans « le Monde », Jérôme Jaffré se livre à une intéressante analyse de la disqualification de l’exécutif. En 2007, dit-il en substance, c’est la première fois que l’exécutif ne sera pas impliqué dans les élections, dès lors qu’il est trop tard pour Chirac et que Villepin ne remontera pas la pente. Cela, ajoute-t-il, complique la stratégie de Sarkozy, qui sera perçu comme la carte ultime d’une droite exsangue plutôt que comme l’héritier d’un pouvoir qui a fait son travail.

PIRE QUE L'INUTILE, L'ANNEE "UTILE" A PRODUIT UNE REGRESSION

On verra bien. Les politologues nous apportent des idées séduisantes, mais les électeurs ont un jugement de bon sens : ce qui compte, c’est la morosité collective, les divisions graves de la communauté nationale, des perspectives d’avenir plus angoissantes que réjouissantes, le sentiment d’être impliqué dans une bataille que l’on est en train de perdre. La question qui taraude chacun d’entre nous ne porte pas sur le sort personnel des candidats potentiels ou déclarés, mais sur ce que la France et les Français vont faire pendant les douze mois qui nous séparent des élections. Nous ne pouvons guère nous permettre d’adopter le statu quo en attendant la relève de la garde. Chaque jour compte si l’on veut améliorer les conditions socio-économiques que nous subissons actuellement.

Une ironie presque sinistre fait que le voeu de Dominique de Villepin de faire de l’année qui lui reste une « année utile » a produit un monument de désillusion et, plus grave encore que l’inutile, une régression. On ne saurait lui en vouloir de résister au désespoir et de continuer à travailler. Mais il est clair qu’il ne peut bouger désormais que sous l’oeil vigilant du président, dont le sens politique nous semble plus fin, quoi qu’on en dise, que celui du Premier ministre. Or un gouvernement ne peut espérer quelque succès que s’il fait reculer le chômage. C’est dans cette tâche que M. de Villepin s’est jeté avec une furia si napoléonienne qu’elle a entraîné un Waterloo, d’ailleurs immérité, car les mesures Villepin sont en train de produire des résultats, ce que la gauche nie farouchement, épouvantée qu’elle est par un toujours possible rebond de la droite.

Ce que fait Sarkozy.

De son côté, Nicolas Sarkozy présente son plan pour l’immigration, autre grande préoccupation des Français. Toute l’action du ministre de l’Intérieur est concentrée sur la récupération des suffrages, qu’il cherche à la droite de l’UMP parce qu’il croit, et nous aussi, à un choc idéologique en 2007. Il agit donc à la fois pour la réforme et pour gagner les élections. Les sondages, qui le donnaient vaincu de peu par Ségolène Royal, indiquent maintenant qu’il l’emporterait sur la candidate socialiste. Il a donc fort bien réussi, jusqu’à présent, à ne pas se laisser entraîner par la déroute de Villepin. Il lui faudra encore énormément de prudence pour prouver qu’il travaille, sans s’exposer à la colère des électeurs.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7951