23 septembre, 14 heures, rue de Vaugirard à Paris. Face au Sénat, des cars de CRS gardent l’entrée, à l’abri des manifestants qui pour la deuxième fois manifestent en France contre la réforme des retraites. Fait étonnant, des blouses blanches se massent par grappes, devant les portes du Sénat, soit une trentaine de manifestants au final. Ils ont répondu à l’appel du syndicat de praticiens hospitaliers SNphar-E qui en ce jour de manifestation a décidé d’organiser un happening devant le Sénat, afin de faire entendre ses revendications. Depuis le 7 septembre dernier, ce syndicat, qui représente avant tout les anesthésistes-réanimateurs, mais a ouvert ses portes récemment à l’ensemble des praticiens hospitaliers, organise à l’hôpital public la mobilisation contre la réforme des retraites et pour la reconnaissance de la pénibilité. Appel à la grève le 7 septembre1, grève illimitée des gardes et des astreintes depuis cette même date, nouvel appel à la grève le 23 septembre… Rien n’y fait : les pouvoirs publics restent sourds aux revendications du SNphar-E, qui défend avant tout les praticiens soumis à la permanence des soins, et au travail de nuit. Une lettre a même été adressée au Premier ministre François Fillon, et est restée sans réponse. Las, le SNphar-E a donc décidé, ce 23 septembre, d’interpeller les sénateurs au Sénat pour introduire, dans le projet de loi, des amendements à même de reconnaître la pénibilité du travail des PH soumis à la PDS (permanence des soins). Mais les quelques sénateurs qui devaient être approchés ont botté en touche : qu’il s’agisse de Jacky Lemaire, ou encore de Dominique Leclerc, avec qui Nicole Smolski, présidente du SNphar-E, avait pris rendez-vous, tous étaient absents, pour cause de journée parlementaire…
Exaspération des PH palpable
Pourtant, devant le Sénat, l’exaspération des PH présents était palpable : « Voulez-vous vous faire anesthésier par un PH âgé de 67 ans ? », interpelle une militante du SNphar-E. « En moyenne, actuellement, les PH partent en retraite à 63,5 ans, après avoir cotisé 160 trimestres. Nous ne voulons pas d’allongement de la durée de cotisation, pas plus que nous acceptons de prendre notre retraite à taux plein à 67 ans », scande Nicole Smolski, qui sera finalement reçue dans la journée par Corine Saussé, conseillère technique en charge de la santé auprès de Gérard Larcher. « Il n’y a, dans le projet de loi, aucune mesure d’aménagement des fins de carrière, dénonce Louison Andriamifidy, anesthésiste et vice-président du Smarnu. Nous proposons par exemple de ne plus être soumis à la PDS en fin de carrière, sur le mode du volontariat. » « Les astreintes ne sont pas prises en compte dans le calcul de la retraite, il faudrait les intégrer », réclame, le Dr Le Pors, obstétricienne au centre hospitalier de Saint-Malo, et membre du Syngof. Daniel Cau, pédiatre et militant au SNPEH, dénonce la non-prise en compte de la pénibilité des gardes. Pour y pallier, il souhaite une revalorisation du point retraite. Avant-garde du mouvement des praticiens hospitaliers, le SNphar-E porte avant tout les revendications des PH soumis au travail de nuit. Les intersyndicales, quant à elles, sont plus en retrait, même si elles se sont fendues d’un communiqué d’appel à la grève le 23 septembre, où elles appellent « les médecins et pharmaciens, et les odontologistes hospitaliers à l’union et à exprimer très fortement leur désaccord ». Sans avancer de contre-réformes. Alors même que l’ensemble des PH est concerné par la réforme (cf. encadré). Le SNphar-E (rejoint par l’Amuf, le SNPEH, le Symhospriv) a formulé quant à lui, à l’intention des sénateurs, six propositions d’amendement. Le syndicat propose d’abaisser le nombre de trimestres requis proportionnellement au nombre de nuits effectives travaillées, de ne pas imposer plus de 160 trimestres de cotisation aux PH qui ont plus de 1 000 nuits travaillées, de ne pas imposer de PDS aux PH de plus de 60 ans qui ont subi le travail de nuit, d’octroyer aux PH qui ont subi le travail de nuit la possibilité de prendre leur retraite deux ans avant « le droit à la retraite Sécurité sociale à taux plein ». D’autres amendements prévoient d’accorder la retraite à taux plein dès 65 ans aux PH « exposés dans leur carrière aux conséquences sur leur santé du travail de nuit », d’intégrer, pour les mêmes praticiens, « d’une intégration effective des astreintes dans leur obligation de service ». Enfin, le SNphar-E propose également aux PH soumis à la PDS de convertir leur compte épargne-temps (CET) en surcomplémentaire de retraite. Seront-ils entendus ? Ils vont en tous les cas plaider la cause des PH soumis à la PDS pour que le volet pénibilité soit amendé et prenne en compte leurs doléances.
Prise en compte des primes
Une pénibilité que reconnaît à moitié Philippe Blua, président du SNCH, qui défend, lui, plutôt les aides-soignantes, à qui il voudrait que soit reconnue, dans le mode de calcul de leur retraite, la pénibilité physique de leur travail (cf. entretien ci-contre). Le Syncass-CFDT, tout comme le SNCH, reconnaît la nécessité d’une réforme du régime des retraites, mais lutte contre les projets du gouvernement, jugés « injustes ». Pour les personnes d’encadrement et de direction, le Syncass-CFDT demande « la prise en compte des primes et indemnités dans la rémunération », des modalités d’utilisation du CET en fin de carrière, l’accès au temps choisi, y compris en fin de carrière… Entre les directeurs et les médecins, les infirmières occupent une place intermédiaire, et font face à une problématique originale de leur régime de retraite. Au choix, les infirmières actuellement en activité pourront partir à 57, 60 ou 62 ans. Pour les fonctionnaires hospitaliers en catégorie active (IDE2, aides-soignantes, infirmières de catégorie A…), l’âge légal de départ à la retraite passerait de 55 à 57 ans. Pour les infirmières qui choisiraient, dans le cadre de la réforme LMD3, de renoncer à la catégorie active pour la catégorie A, elles pourraient prendre leur retraite à 60 ans contre une meilleure rémunération (2 000 euros annuels de plus). En revanche, pour les infirmières qui entreraient dans la profession après la réforme, le départ à la retraite serait fixé à 62 ans. Ces propositions ont été rejetées par la profession, en particulier les Iade2, qui ont manifesté violemment leur réprobation en juin dernier devant le ministère de la Santé. Elles se sentent lésées et demandent une revalorisation de leurs diplômes d’infirmières spécialisées au niveau master, soit 100 points de plus d’indice nouveau majoré, contre 35 points accordés actuellement par les pouvoirs publics.
Catégorie A sans contrepartie
La CNI, principal syndicat d’infirmières salariées, rejette également la proposition de réformes du gouvernement. La CNI revendique le maintien de l’ouverture des droits à 55 ans, le passage en catégorie A de tout le corps infirmer sans contrepartie, le maintien du dispositif de départ anticipé après 15 ans de service pour les femmes ayant élevé trois enfants… Des revendications jugées par la profession d’autant plus légitimes que le métier d’infirmier est fortement féminisé, et que les femmes semblent être les grandes perdantes de la bataille de la retraite…
2. Infirmier diplômé d’État, infirmier anesthésiste.
3. Licence master doctorat.
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