« Cinq critères reviennent systématiquement dans le choix de carrière des jeunes médecins. Le niveau de rémunération, les modalités de rémunération, les activités annexes (recherche, enseignement, innovation), la taille de l’établissement et l’état des finances de ce dernier », résume Matthieu Durand, 32 ans, chef de clinique en urologie au Chu de Nice et directeur de publication de What’s up doc, magazine trimestriel gratuit pour les jeunes médecins créé en 2011. Critères sur lesquels l’hôpital public n’est plus très à son aise si l’on en croit le rapport d’Edouard Couty sur le pacte de confiance pour l’hôpital : « Une perte de confiance affecte l’ensemble du secteur. (…) En une dizaine d’années, l’hôpital public a perdu progressivement ses repères, à l’instar de très nombreux professionnels qui y travaillent. Les hospitaliers se sentent sous pression constante et toujours plus forte entre contrainte économique d’une part, qualité et quantité des prises en charge d’autre part.» Contingences inhérentes au service public de santé, dysfonctionnements, pesanteurs administratives, restrictions budgétaires, persistance du mandarinat… : les griefs se cumulent qui forcément altèrent la capacité des hôpitaux à séduire les jeunes médecins afin qu’ils y officient durablement dans des conditions qui répondent à leurs attentes.
Comme si une refondation était encore une fois nécessaire. Une refondation qui ne vise pas uniquement l’amélioration de l’efficience économique de l’hôpital mais aussi sa capacité à être un lieu d’exercice motivant et attirant. C’est en tout cas l’ambition affichée de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, dans le cadre de son désormais célèbre Pacte de confiance à l’hôpital. En effet, outre des préconisations concernant l’optimisation de son fonctionnement général, d’autres sont censées faire en sorte que les médecins y soient plus épanouis au quotidien. On pense en particulier au renforcement des prérogatives des Commissions médicales d’établissement (CME). « Il faut associer l’ensemble des acteurs à la définition de l’effort et à la manière de concevoir l’effort à réaliser », assure la ministre, désireuse que « les jeunes professionnels soient plus impliqués dans la vie des communautés hospitalières ». Une manière de dire que le dialogue à tous les niveaux et, plus généralement, une gouvernance davantage démocratisée doivent être promus avec, à la clef, l’ouverture prochaine de négociations sur l’amélioration des conditions de travail ou encore l’introduction d’un volet ressources humaines en santé dans les Projets régionaux de santé (PRS). Surtout, il semble y avoir une réelle prise de conscience du besoin de souplesse. Ainsi, pour qu’elle ne broie plus les personnels, l’organisation interne de chaque établissement ne doit pas se conformer à un modèle unique et rigide mais plutôt être modulée en fonction de ses spécificités et de ses ressources financières comme humaines.
Redevenir une machine à gagner
Nécessité faisant loi, les différents acteurs semblent renoncer à s’arcbouter sur leur position attendue. Tous ont pris conscience du besoin impérieux de donner envie aux jeunes médecins, au sortir de l’internat, d’exercer au sein de l’hôpital public. On ne sera donc pas surpris qu’à l’image de la Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH), l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) ait validé le rapport Laurent sur un meilleur contrôle de l’activité libérale à l’hôpital. La possibilité « d’appliquer une tarification hors cadre pour certaines interventions » étant « le prix à payer pour assurer l’attractivité des carrières des praticiens hospitaliers dans les hôpitaux publics ».
Une autre piste vise à épauler l’hôpital. À le mettre sous-tutelle, regrettent certains… L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a ainsi récemment recommandé de placer la procédure d’investissement sous l’égide des ARS parce qu’elles sont « les mieux placées pour juger de l’opportunité d’un projet au regard de l’offre de soins ». Un gage pour que l’hôpital redevienne une machine à gagner qui suscite des vocations chez les jeunes diplômés ?
De son côté, le ministère, lui, fait feu de tout bois et entend donner des impulsions tous azimuts. Ainsi, lors d’un colloque devant l’INPH, le 5 juin dernier, Marisol Touraine a-t-elle émis le souhait de voir le statut de praticien hospitalier remis au goût du jour afin qu’il soit « mieux adapté aux attentes nouvelles des jeunes qui s’engagent dans cette profession ». Parmi les pistes suggérées figurent la promotion du travail en équipe, une comptabilité accrue entre vies professionnelle et personnelle ou encore le décloisonnement entre les spécialités médicales. Là encore, les ARS sont appelées à la rescousse pour déblayer le terrain.
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