PLUS DE 3 000 généralistes travaillent aujourd'hui dans les 355 hôpitaux locaux qui sont répartis un peu partout sur le territoire français. Pendant longtemps, ces établissements ont été négligés par les pouvoirs publics, qui ne prenaient pas en compte leur importance et leur utilité au niveau local. Mais depuis la signature en 2003 par Jean-François Mattei, alors ministre de la Santé, d'une circulaire qui précisait pour la première fois les missions et les rôles des hôpitaux locaux, le vent a tourné. « On peut même dire, insiste le Dr Dominique Hérault, ancien président de l'Association des généralistes des hôpitaux locaux (Aghl), que ces établissements ont aujourd'hui le vent en poupe. »
Il est vrai que leur rôle est souvent essentiel en santé publique, dans des contrées qui sont souvent éloignées des grands centres hospitaliers ou plus encore des centres hospitalo-universitaires.
On ne pratique plus guère d'accouchements dans ces établissements - peu disposent aujourd'hui d'une maternité - et encore moins la chirurgie - la tendance actuelle avec les derniers rapports des académies de médecine et de chirurgie n'est pas à un retour en arrière dans ce domaine. Mais ces établissements prennent en charge des personnes âgées, les soins palliatifs et les troubles comportementaux, les problèmes liés à l'alcool, toutes missions qui ne sont pas toujours, et parfois même rarement, accomplies par les CH ou les CHU.
La circulaire Mattei.
C'est dans ce cadre que la circulaire de 2003 parlait de ce type d'établissement comme d' « un animateur local de santé ». Les pouvoirs publics décidaient alors de leur donner de nouveaux moyens pour assurer leurs missions : hospitalisation en médecine, mais aussi soins de suite et réadaptation ; soins de longue durée ; hospitalisation à domicile, avec la création de nouveaux lits.
Jean-François Mattei décidait aussi de s'intéresser aux généralistes qui exercent dans ces établissements en leur permettant d'y être rémunérés à l'acte, ce qui n'était pas le cas jusqu'alors, et en les autorisant à pratiquer plus d'actes que ce qui était toléré. Des mesures qui ont été bien accueillies par les médecins, on s'en doute.
Le successeur de Jean-François Mattei, Philippe Douste-Blazy, n'était pas en reste, qui, en janvier 2005, confirmait la confiance et l'intérêt que le gouvernement portait à ces établissements, en leur proposant un contrat national de gestion et d'objectifs et en annonçant le déblocage de 89 millions d'euros jusqu'en 2007. En 2005, ce ne sont pas moins de 27 millions d'euros qui devraient avoir été attribués aux seuls hôpitaux locaux. Des établissements, expliquait le ministre de la Santé, qui « sont au carrefour du sanitaire, du social et médico-social ».
L'organisation de la permanence des soins.
Mais les hôpitaux locaux ont aussi un rôle primordial à jouer dans le cadre de la permanence des soins, qui s'organise parfois difficilement au sein du territoire. Des maisons médicales de garde libérales se sont ouvertes au sein de ces établissements, où collaborent, ce qui ne se faire guère ailleurs, des généralistes, des spécialistes et des praticiens hospitaliers. La contrainte des gardes et des astreintes est, dans la plupart des cas, partagée par tous. Aux dernières assises de l'hôpital local, à Levroux, dans l'Indre (« le Quotidien » du 10 juin), on a pu entendre plusieurs directeurs d'établissement se féliciter de cet « hôpital local nouvelle formule », lien entre la médecine libérale et la médecine hospitalière, organe « essentiel dans l'organisation de la permanence des soins et dans la lutte contre la désertification médicale ».
Mais ce dernier pari, concernant la démographie médicale, est loin d'être gagné. Car si les défenseurs de l'hôpital local peuvent se féliciter de ce que les pouvoirs publics s'intéressent de près à leur sort, ils peuvent aussi légitimement s'inquiéter. Dans certaines régions déjà fortement touchées par une relative désertification médicale, certains établissements ont du mal à recruter des généralistes pour remplir les services. La moyenne d'âge des médecins des hôpitaux locaux ne cesse d'augmenter et le nombre élevé de femmes qui y travaillent, moins disponibles souvent que leurs collègues masculins, inquiète les directeurs d'établissement qui ont du mal à renouveler leurs équipes médicales. Notamment par de jeunes diplômés qui préfèrent aller vers des centres urbains plus importants où siège un centre hospitalier.
Philippe Douste-Blazy, conscient du problème, s'était déclaré partisan de l'ouverture de cabinets secondaires à l'intérieur d'un hôpital local pour encourager les jeunes médecins à y exercer. Le ministre n'écartait pas l'idée de mettre en place à l'hôpital local une « médecine salariée, ce qui correspond aux aspirations des jeunes médecins », disait-il.
Aujourd'hui, 70 % des praticiens de l'hôpital local sont des généralistes, et on peut assurément s'inquiéter du départ de beaucoup d'entre eux dans les dix ans qui viennent. Seront-ils remplacés ? Rien n'est assuré. Notamment dans certaines régions du nord et du centre de la France.
Paradoxalement, c'est au moment où l'hôpital local fait l'objet de louanges et pourrait se rassurer sur son avenir, ce qui n'est pas si courant en France, dans le domaine de la santé comme ailleurs, qu'il risque d'être menacé par un manque de bras et une crise des vocations de jeunes médecins qui préféreront le stress des villes à la douceur des campagnes.
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