Les systèmes de désenfumage ont pour but d'évacuer les fumées et gaz toxiques en cas d'incendie dans un bâtiment. Le désenfumage doit permettre d'éviter l'asphyxie des occupants de locaux en feu.
Un arrêté de l'ancien ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant, daté du 27 mars 2000, a complété et modifié le règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP). Il a notamment apporté des modifications à l'article U26 (désenfumage des atriums).
Cette disposition légale oblige désormais les hôpitaux à mettre en place un processus de désenfumage mécanique dès lors que sont envisagés des travaux au sein de l'établissement.
Le Pr Laurent Degos, chef du service clinique des maladies du sang à l'hôpital Saint-Louis à Paris, et par ailleurs directeur de l'Institut universitaire d'hématologie, s'évertue, depuis la publication de cet arrêté, à réclamer auprès des autorités concernées (l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris - AP-HP, l'Inspection générale des affaires sociales - IGAS ...) une enquête comparative entre les risques de l'enfumage lié à un incendie et le risque d'infections nosocomiales par aspergillose secondaire du fait des travaux de désenfumage. Le Pr Degos s'inquiète en particulier des hôpitaux qui accueillent des malades immunodéprimés. L'aspergillose, c'est une affection causée par le développement de champignons parasites dans les cavités naturelles de l'organisme. « Notre bête noire depuis cinq ans », insiste le Pr Degos.
Chaque démolition, affirme-t-il, représente un risque mortel d'infection par aspergillose pour les patients hospitalisés. Or, l'installation d'un système de désenfumage dans un hôpital impliquerait la percée de canaux intérieurs verticaux de 1,50 m de diamètre dans tous les corps de bâtiment.
On peut éviter les risques d'aspergillose en fermant le service le temps des travaux, rétorque l'AP-HP. « C'est la méthode généralement appliquée », confirme Michel Paoli, délégué général aux risques techniques et écologiques à la direction Patrimoine et Logistique de l'Assistance publique.
Pour le Pr Degos, il serait salutaire de mettre en balance la prévention dite « primaire » avec la prévention « secondaire ». Il serait donc plus pertinent d'obliger d'abord les établissements hospitaliers à mettre en place un système efficace de détection incendie, et ce jusque dans les chambres des malades.
Lors d'une réunion au bureau de prévention de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris en mars 2001, les sapeurs-pompiers ont convenu que la priorité, c'est la détection d'incendie et « l'asservissement de l'ouverture automatique des portes des sas à la détection de l'incendie et de la fumée ».
Avec quelques aménagements, le système actuel serait donc peut-être suffisant, suggère le Pr Degos.
Les travaux qui doivent être engagés à Saint-Louis visent précisément, non seulement à installer un système de désenfumage, mais aussi à moderniser le système de détection existant, précise Michel Paoli.
On ne discute pas la loi. C'est ce que Guy Bernfeld, directeur du Patrimoine et de la Logistique de l'AP-HP à l'époque, avait rétorqué au Pr Degos dans un courrier en avril 2002. En rappelant que l'article U26 de l'arrêté du 23 mai 1989 s'applique aux établissements de soins et que ces travaux obligatoires « s'imposent » donc à l'AP-HP.
« Les problèmes que soulève le Pr Degos sont tout à fait réels, convient Michel Paoli . Là où je ne suis pas d'accord, c'est lorsqu'il met en opposition le risque d'aspergillose à cet autre, tout aussi réel, qui est celui de l'intoxication par les fumées d'incendie. Chacun de ces deux risques mérite d'être pris en compte. Par ailleurs, mon statut de fonctionnaire m'oblige à obéir à la règle. Si M. Degos parvient à convaincre les autorités que la loi actuelle n'est pas pertinente... nous agirons en conséquence. »
L'Instruction technique n° 246 - qui regroupe trois circulaires, celle de mars 1982, qui a été modifiée en juin 1992 puis en décembre 1994 - régit la sécurité incendie. Ce texte est en cours de refonte (on l'annoncerait pour 2004). Mais, comme le précise Michel Paoli, « la réglementation en matière incendie évolue chaque fois qu'il y a un accident ».
Risques de procédures judiciaires
« Nous ne pouvons pas ignorer la propension de nos concitoyens à mener des actions en justice. Le risque qui produit pour nous la non-conformité à la législation est tout aussi considérable », insiste Christian Do Huu, directeur de cabinet d'Alain Lhostis, adjoint au maire de Paris et président du conseil d'administration de l'AP-HP. « Si demain un problème d'incendie survient et que s'ensuivent des poursuites judiciaires, nous nous nous dirigeons vers de grosses difficultés », renchérit Michel Paoli.
La crainte du procès anime Laurent Degos de la même façon. En avril 2002, il s'adressait à la directrice de l'IGAS, Marie-Caroline Bonnet-Galzy, en se désengageant « totalement de toute responsabilité au cas où une contamination surviendrait ».
Les bâtiments hospitaliers sont classés en fonction de leur affectation : ERP (établissements qui reçoivent du public) d'un côté, et ceux qui relèvent du code du travail, de l'autre. Selon leur type d'activité, les établissements sont classés en quatre catégories. Ceux de la première catégorie sont soumis à l'obligation de maintenir sur place une équipe de sécurité 24 heures sur 24.
Les trois principaux types de mesures contre l'incendie concernent le cloisonnement, la détection et le désenfumage. A cela s'ajoutent les systèmes d'alarme.
L'obligation de désenfumage s'applique dans tous les locaux d'hospitalisation, c'est-à-dire dans les espaces qui abritent des lits.
« Nous devons nous mettre en position de lutte contre l'aspergillose, et de façon continue, assure Michel Paoli. Le risque d'aspergillose ne se limite pas en effet aux seules périodes de travaux. Toute installation technique a besoin d'être vérifiée régulièrement. Nous devons mettre régulièrement en place des mesures de précaution et de protection. »
Le Pr Degos a fait le calcul : la mise en place d'un tel protocole de désenfumage mécanique représenterait environ 760 millions d'euros pour l'AP-HP et 15 milliards de francs pour toute la France. Dans le seul l'hôpital Saint-Louis, cela reviendrait à poser quatorze tuyaux, pour un coût de 15 millions de francs. Outre les nuisances sonores et le risque d'aspergillose pour les patients, les travaux engagés représenteraient 20 % d'offre de soin en moins.
« Il s'agit généralement de travaux lourds, qui nécessitent de vider les lieux », explique Michel Paoli . « Il n'y a pas de coût standard, les dépenses varient selon le type de bâtiment. » Les dépenses en matière de sécurité à l'hôpital font l'objet de plans pluriannuels d'évolution et de mise en conformité, selon les schémas directeurs de sécurité incendie, lesquels sont approuvés et validés par les commissions de sécurité, autorités réglementaires (composées de représentants de la préfecture, de pompiers, etc.) qui déterminent si les mesures de protection sont assurées.
Aujourd'hui, cinq bureaux d'études ont répondu à l'appel d'offres pour assurer les travaux de désenfumage à l'hôpital Saint-Louis. Chacune des propositions est « en cours d'analyse ».
Mais les travaux restent suspendus pour l'heure, faute d'un accord entre le Pr Degos et les services techniques de l'AP-HP sur leur opportunité.
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