Les syndicats ont réagi très fermement ces jours-ci, après que plusieurs députés UMP ont remis en cause les 35 heures, accusées à la fois de ne pas avoir relancé l'emploi et de plomber les comptes de l'Etat - le ministre du Budget, Alain Lambert, a ouvert le débat en déclarant que sans les 35 heures, la France ne serait pas en situation de déficit excessif par rapport au pacte de stabilité européen.
Si le ministre des Affaires sociales, François Fillon, a tenté de calmer le jeu en affirmant, dans « le Journal du Dimanche » qu'il n'y aurait pas de « grand soir des 35 heures », le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, n'en a pas moins annoncé que « le dialogue social » devait « précéder la décision législative » sur les 35 heures, ouvrant la porte à un possible retour sur la réduction du temps de travail (RTT) par la loi.
Les syndicats représentant les salariés du privé ne sont pas seuls à être montés au créneau.
A l'hôpital aussi, on craint une remise en cause d'une réforme que chacun considère aujourd'hui comme un acquis social indiscutable, après avoir entendu certains politiques viser directement les fonctionnaires. Ainsi, Patrick Ollier (UMP), président de la commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale, a déclaré : « L'assouplissement des 35 heures doit évidemment concerner aussi la fonction publique car l'impact budgétaire y est particulièrement lourd. Cela passera par des rémunérations plus encourageantes sur la base du volontariat et, à terme, par une révision du statut général » de la fonction publique.
A FO-Santé, la polémique est prise très au sérieux. Jean-Marie Bellot pense qu' « une réelle menace pèse sur l'hôpital ». Le secrétaire fédéral de Force ouvrière n'est « pas du tout favorable » à la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire sur les 35 heures, car, dit-il, « je sais déjà que ses conclusions iront dans le sens d'une révision de la loi pour permettre une adaptation au cas par cas ». Jean-Marie Bellot ne croit pas que le gouvernement décidera d'arrêter les 35 heures. Mais si tel était le cas, prévient-il, « ce sera une véritable révolution à l'hôpital, les gens ne comprendront pas » ; et « ce ne sera sûrement pas le meilleur moyen d'y attirer les personnels » déjà en sous-effectif, ajoute-t-il.
La perspective d'un « conflit de première importance » rassure Emmanuel Goddat, du Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH) : « Le gouvernement ne prendra sans doute pas le risque de rouvrir le dossier ».
Accords d'assouplissement
Certains syndicats, s'ils refusent une remise en cause des 35 heures sur le fond, acceptent cependant d'envisager un aménagement de la réforme. C'est le cas de la CFTC. « Les protocoles signés jusqu'à présent n'ont pas résolu le problème du manque d'attractivité de la fonction publique hospitalière, reconnaît Christian Cailliau. Donc s'il faut réaménager la loi, ça doit être pour promouvoir l'emploi et la formation ».
Il faut rappeler que les quelque 800 000 agents hospitaliers appliquent la RTT depuis le 1er janvier 2002. Jean-François Mattei, conscient des nombreux problèmes que posent les 35 heures en milieu hospitalier, a signé le 9 janvier 2003, avec six syndicats de personnel, un contrat qui assouplit le protocole RTT de septembre 2001, de manière à rendre « plus attrayant » le compte-épargne temps et à autoriser le paiement en 2003 de jours de RTT (dans la limite de dix). Cette anticipation rassure Yolande Briand, de la CFDT : « L'hôpital est la seule fonction publique à avoir signé un accord sur la RTT puis un accord d'assouplissement. On a devancé le débat puisqu'on a déjà prévu des mesures d'adaptation, comme la possibilité de faire des heures supplémentaires. » La syndicaliste ne se sent « pas concernée par le débat actuel », mais ne considère pas le dossier clos pour autant. « On manque de visibilité. Combien de postes ont été créés sur les 40 000 prévus par le protocole ? Combien d'heures supplémentaires ont été payées ? L'argent "RTT" a-t-il été utilisé à d'autres fins ? On ne connaît pas le bilan précis », regrette Yolande Briand.
Le comité national de suivi de l'accord d'assouplissement ne s'est réuni qu'une fois cette année, le 27 janvier. Ce qui n'aide pas à donner une vision d'ensemble. Une évaluation nationale de la situation doit être faite d'ici à la fin de l'année par la direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des soins (DHOS). Après quoi s'engageront de nouvelles discussions pour décider de l'éventuelle prolongation en 2004 des mesures transitoires contenues dans l'accord d'assouplissement du 9 janvier 2003.
Les syndicats réclament dès aujourd'hui plus de moyens, car aux mesures en vigueur, insuffisamment financées selon eux, s'ajoutera le passage aux 32 h 30 de travail hebdomadaire pour le personnel de nuit, à partir du 1er janvier 2004. FO-Santé demande plus d'argent « pour développer la promotion sociale » (la possibilité pour les aides-soignants de devenir infirmiers).
Sud Santé réclame de son côté un plan de formation ambitieux, seul à même de fidéliser le personnel. « Cette mesure est pour nous le seul aménagement acceptable des 35 heures », affirme le secrétaire fédéral de Sud Santé, Jean-Marie Sala, qui n'apprécie guère la tournure que prend la polémique politique. « On a l'impression que les salariés sont traités comme des fainéants, dit-il . Déjà, la suppression d'un jour férié (envisagée pour financer le plan "solidarité vieillesse", NDLR) est une méthode inadmissible. Revenir sur les 35 heures est impensable : à l'hôpital, elles se justifient amplement car nous avons de fortes contraintes horaires et un travail pénible ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature