COMME CHAQUE FOIS qu'il surgit sur le devant de l'actualité, le sujet, tout sauf neutre, du secteur privé à l'hôpital, dont les règles viennent d'être modifiées en ce qui concerne le calcul de la redevance versée par les praticiens à leur établissement (« le Quotidien » du 28 mai), suscite de très vives réactions de la part de ses défenseurs et de ses détracteurs.
Parmi les premiers, la Fédération nationale des praticiens des hôpitaux généraux (FNAP) et le Syndicat des praticiens des hôpitaux publics (SPHP) rappellent ensemble que les honoraires perçus par les médecins hospitaliers dans le cadre de leur secteur privé représentent actuellement «la seule part variable efficace et totalement indépendante d'un pouvoir administratif» à laquelle ces praticiciens puissent prétendre. Les deux syndicats insistent : «Contrairement aux rumeurs, les paticiens exerçant une activité libérale à l'hôpital ne sont pas des tricheurs. Les règles d'exercice sont précises et contraignantes.»
Les chirurgiens s'inquiètent tout particulièrement, s'attendant à des retombées négatives des nouvelles mesures (la redevance n'est plus calculée sur la base des tarifs conventionnels, mais sur celle des honoraires perçus par le médecin, dépassements compris) sur le recrutement des professeurs de médecine, «tout particulièrement dans les disciplines chirurgicales», affirme le Pr Alain Branchereau, PU-PH en chirurgie vasculaire, chef de service à la Timone, à Marseille, et membre du Conseil national de la chirurgie (CNC).
Le Pr Branchereau préside la conférence des sections médicales du Conseil national des universités (CNU), qui gère le recrutement et la nomination des PU-PH. Aujourd'hui, il existe des postes de PU-PH en CHU non pourvus dans la plupart des disciplines chirurgicales faute de candidats. Demain, prédit le Pr Branchereau, la pénurie s'aggravera : «L'application brutale de ce décret va aggraver la crise des recrutements de ceux qui devraient former les enseignants-chercheurs de demain. Les plus talentueux et les plus travailleurs quitteront le système hospitalier pour le privé ou pour l'étranger. La carrière de PU-PH, enchaîne le chirurgien, demande un énorme investissement personnel (nomination à bac + 20, voire 25, travaux de recherche, publications, séjours à l'étranger…) . Elle est de moins en moins attrayante pour les jeunes. D'accord pour mieux encadrer le secteur privé à l'hôpital, d'accord aussi pour sanctionner les collègues qui dérapent. Mais n'oublions pas qu'un chirurgien libéral gagne au moins le double du salaire d'un PU-PH de la même spécialité. Dans ces conditions, et dans l'attente d'une réforme faisant converger les modes de rémunération entre le secteur privé et public, le secteur privé hospitalier représente la moins mauvaise des solutions.»
La voix discordante de l'AMUF.
Pas d'accord, répond l'AMUF (Association des médecins urgentistes de France). Pour le syndicat de Patrick Pelloux, en effet, le texte voué par d'autres aux gémonies est «une timide avancée» et le sujet nécessite d'aller plus loin. Jusqu'où ? L'AMUF répond à cette question en interpellant… le chef de l'État. «Monsieur le Président, écrit le syndicat dans un communiqué, des réformes sont nécessaires aujourd'hui dans notre pays pour supprimer les avantages indus dans le cadre de l'équité qui vous est chère. Alors, soyez courageux, et prenez la décision de supprimer l'activité privée, et engagez les discussions sur le problème de la rémunération des médecins hospitaliers, en valorisant les vraies valeurs du travail que sont le temps de travail et la pénibilité, notamment celle liée au travail de nuit.» Pour exiger la suppression pure et simple du secteur privé à l'hôpital, l'AMUF se fonde sur de multiples arguments dont celui de l'obsolescence : le syndicat rappelle que la mesure a été «instaurée en 1958 pour attirer les médecins réputés dans les nouveaux hôpitaux publics remplaçant les hospices» et estime que «cette période (étant) révolue, cette survivance du passé doit être supprimée».
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