Comment annoncer une mauvaise nouvelle ? Aujourd’hui dans les hôpitaux, cette compétence est exigée pour les soignants. Chez les politiques, c’est une autre histoire. L’hôpital illustre cette délicate équation. Exaspéré par la politique de Nicolas Sarkozy, l’hôpital public a écouté avec ravissement les paroles de Marisol Touraine. Rétablissement de la notion de service public dans la loi, fin de la convergence tarifaire, prérogatives restaurées en faveur du corps médical, il y avait là un parfum de revanche, une dignité retrouvée pour tous les acteurs de l’hôpital public. Le pacte de confiance rédigé par Édouard Couty, salué avant sa publication par tous les intervenants lors de débats préparatoires (Cf. p. 13) clôture ce premier acte.
L’hôpital perd de sa toute-puissance
Pour autant, les déficits se creusent. Arrive l’heure de vérité. Déjà la baisse des tarifs à l’hôpital public a refroidi les ardeurs. Après « l’aveu » du Premier ministre reconnaissant l’impossibilité de respecter le déficit du budget autour de 3 % , l’hôpital sera-t-il demain la variable d’ajustement afin d’être en phase avec les objectifs de l’Ondam? Entre les réalités économiques et la transition épidémiologique (l’accroissement des pathologies chroniques et la stagnation des pathologies aiguës) l’hôpital perd de sa toute-puissance. Adaptation oblige, le système de santé français change de paradigme. La notion de parcours de soin présentée par Jean-Marc Ayrault lors de son discours de Grenoble signe la fin de l’hospitalocentrisme à la française. Ce concept fédérateur s’est imposé rapidement dans le débat public. Après avoir été défendu par de nombreux experts, il était au cœur du rapport présenté par le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) en mars dernier. Rançon du succès, son état-major siège désormais au plus niveau de l’État. Le président d’alors, Denis Piveteau, conseiller d’État, a été nommé le 16 janvier dernier secrétaire général des ministères chargé des Affaires sociales. Alain Cordier (Cf. p. 12), vice-président, vient d’être désigné à la tête du Comité des sages, chargé de dessiner le nouveau paysage sanitaire français des cinq, voire des dix prochaines années.Comment en effet s’y opposer ? Mais une fois les fondations posées, de nombreuses questions persistent ? Qui devrait gérer ce parcours de soins ? Le médecin généraliste comme en Angleterre ? Ou une organisation à la manière des HMO américaines ? « Les mutuelles sont une des pistes possibles », souffle Jean de Kervasdoué. Mais rien n’est acquis. En tout état de cause, « lorsqu’il s’agira de lancer des expérimentations, il ne faudra pas jouer petit bras », ajoute Benoît Péricard. Dans ce cadre, la feuille de route pour les établissements hospitaliers est claire. « L’hôpital est condamné à maigrir », diagnostique Benoît Péricard (KPMG). Hasard du calendrier, des rapports publiés la semaine suivant le discours de Grenoble bousculent l’hôpital. La Cour des comptes dans son rapport annuel stigmatise les tutelles, ARS et ministres (Cf. p.4), pour leur inefficacité dans la conduite des restructurations hospitalières. Deux jours plus tard, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) publie une synthèse de trois cents pages sur l’hôpital, compilation de 25 rapports rédigés par l’institution au cours des dernières années. Dans cet état des lieux précis qui récuse simplification et polémiques, d’entrée de jeu, les auteurs rappellent la place plus importante occupée par l’hôpital dans le système de soins français, comparée aux pays de l’OCDE.(Cf. p. 14).
Des efforts importants accomplis
Des efforts importants ont déjà été accomplis. Entre 1998 et 2009, le nombre de lits à temps complet a chuté de 489 000 à 427 000. Dans le même temps, des injonctions contradictoires sont adressées à l’hôpital. Le nombre des urgences traitées s’accroît. On en dénonce le coût pour la collectivité. L’hôpital doit être performant sur le plan technique, tout en étant un modèle sur le soin relationnel. Il doit conjuguer proximité et sécurité. Que peut-on encore lui demander ? D’autant que la concurrence est féroce avec le secteur à but lucratif. Il détient 25 % des capacités totales d’hospitalisation en France. Mais réalise 36 % des entrées en court séjour et 54 % pour la seule chirurgie. Attaqué de toutes parts, l’hôpital public résiste. Et plutôt bien en conquérant des parts de marché. Mais il a droit aussi au parler vrai, loin du déni actuel sur son avenir. Depuis longtemps les soignants n’appliquent plus au lit du malade la célèbre formule du cardinal de Retz : « On se sort de l'ambiguité qu’à ses dépens. »
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