Va-t-on vers un « Guide Michelin » des établissements hospitaliers ? Telle est la question que, dans le cadre d'Hôpital Expo et à l'initiative de la FHF (Fédération hospitalière de France, qui regroupe la quasi-totalité des hôpitaux publics), se sont posée un certain nombre de professionnels.
Les hospitaliers acceptent tout doucement l'idée d'être désormais contraints à une relative transparence. « Nous venons de vivre une révolution, résume Philippe Domy, directeur général du CHU d'Amiens ; il y a dix ans, la société civile et les médias se sont intéressés à nous. Une volonté forte s'est manifestée d'ouvrir la porte de l'hôpital au grand public et d'étaler au grand jour l'utilité de l'institution. Nous n'y étions absolument pas prêts. » Dire que le secteur a mal vécu ce qu'un directeur d'établissement décrit comme une « fin de l'omerta dans les hôpitaux » est un euphémisme. Directeur de la rédaction du magazine « Sciences et Avenir », Georges Golberine raconte que sa première enquête, menée en 1992 dans les services d'urgence pour le journal « 60 millions de consommateurs », lui a valu 72 procès. ( « J'en ai gagné 69 », précise-t-il.)
Révolution culturelle
Dire que cette « révolution culturelle » a transformé les professionnels est une évidence. « Les enquêtes journalistiques ont été pour nous des outils de contrainte externes. Elles ont permis aux établissements de repérer la nécessité de s'engager dans des processus d'amélioration de leur information et plus largement de leur qualité. Elles ont donné aux hospitaliers une plus grande sagacité sur les vigilances, la transparence, les a poussés à développer une éthique préventive », estime Philippe Domy.
Le Pr Yves Matillon, qui dirige l'ANAES (Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé), reconnaît que c'est pour répondre à la demande pressante de l'opinion que la France est le seul des quinze pays engagés de par le monde dans un processus d'accréditation de leurs hôpitaux et cliniques, à avoir « fait le choix d'une diffusion littéraire des résultats de l'accréditation auprès du public ».
Va-t-on classer les médecins ?
Les médecins ne sont pas sortis indemnes de cette turbulence médiatique, qui en sont à se demander, avec le Dr Stanislas Johanet, anesthésiste à l'hôpital Trousseau, si « l'on va finir par (les) classer ». « Les associations de patients pratiquent déjà une labellisation officieuse », estime le Dr Johanet, qui met en garde contre de telles pratiques. « Mesurer la performance d'un médecin, c'est extraordinairement difficile parce qu'entrent en ligne de compte de très nombreux paramètres. Même les comparaisons ont leurs limites. » Sur le plan plus large de l'organisation des soins, le Dr Johanet s'interroge : « La performance du soin est-elle compatible avec la liberté de choix du patient ? »
Et le patient, justement, dans tout ça ? Alors que les premiers palmarès des hôpitaux ont été publiés dans la presse grand public française à l'orée des années quatre-vingt-dix, personne n'a encore pris la mesure de l'impact qu'ils pouvaient avoir sur la fréquentation des établissements. Menée aux Etats-Unis il y a une dizaine d'années, une enquête a conclu aux effets très limités de ce genre d'exercice : très peu de gens lisent les articles en question et ceux qui le font ne seraient influencés dans leurs choix que pendant... trois jours. Au doigt mouillé, les professionnels du secteur ont tendance à penser eux aussi que la portée des classements sur le comportement des malades est restreinte. « J'ai interrogé mes collègues mal classés. Avaient-ils enregistré une baisse de fréquentation ? Non, m'ont-ils répondu », explique Philippe Domy.
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