ROBERT CAPA, né Friedmann en 1913 à Budapest, est l’un des fondateurs de l’agence Magnum. Il est célébrissime pour les photos qu’il a faites durant la guerre d’Espagne. En 1938, il est sur le terrain de la guerre sino-japonaise, en 1944 il est le seul photographe présent lors du débarquement de Normandie. Il mourra en 1954, en sautant sur une mine, en Indochine.
Parmi les photographies qu’il prit en France, après juin, figure un document très éprouvant qui traduit les violences de l’épuration. Cette image a été prise dans une rue de Chartres, le 16 août 1944 – et non le 18 comme indiqué partout par erreur*. On y voit une jeune femme, crâne rasé, portant dans ses bras un bébé. La foule, femmes, enfants, l’accompagne et la déchire de regards méchants, de rires atroces et sans doute d’injures. À quelques pas devant elle, on remarque un homme en béret, qui tient un baluchon, et derrière lui, en retrait sur le côté, mais prise dans le même mouvement de hâte vers la prison, sans doute, une autre femme au crâne rasé. L’homme est le père de la jeune femme, la femme, sa mère… On connaît leur nom. Le destin de cette réprouvée.
Henning Mankell, écrivain suédois connu pour son inspecteur Wallander et ses polars, est passionné par le théâtre et dirige d’ailleurs une troupe à Maputo, au Mozambique, où il vit une partie de l’année. Il y a quelque temps, une journaliste suédoise a publié un long reportage très documenté sur la libération de Chartres et elle a commenté cette photo. C’est sans doute ce qui a intéressé l’écrivain. Sa pièce, traduite par Terje Sinding, s’appuie sur la figure de Robert Capa et par lui, on retraverse l’histoire des « personnages » de la photographie, réels ou imaginés. Cela donne un déroulé scrupuleux mais assez plat, avec des flash-back qui sont le récit de la vie de Simone avant et après son arrestation.
Mais Daniel Benoin, qui signe la mise en scène, donne de la profondeur aux cadres. Il sait à merveille utiliser toutes des ressources de l’image (vidéo de Paulo Correia), de la scénographie (Jean-Pierre Laporte), de la lumière qu’il règle lui-même. La grande cage de scène fait que les voix se perdent parfois, attention.
Au cœur, le jeune Robert Capa est incarné avec intelligence et sensibilité par Olivier Sitruk, comédien fin au physique séduisant. C’est lui aussi qui porte la partition d’Helmut, le soldat allemand, père de l’enfant du scandale. La jeune Simone est jouée par Fanny Valette, charmeuse. Son amie Marie possède une très belle présence grâce à Juliette Roudet. Une autre femme, veuve de guerre qui crie vengeance, est jouée par Gaële Boghossian, dans une très bonne composition. Ajoutons Georges, le père, que dessine avec finesse Paul Chariéras, et les deux résistants, Bastien Bouillon, tout jeune débutant, et Paulo Correia, avec son métier et sa forte personnalité.
Du bon travail, qui plaît au public : on lui raconte une histoire, clairement, simplement. À lui d’aller plus loin. Et il ira sûrement plus loin. Ce théâtre éveille.
Théâtre de Nice (tél. 04.93.13.90.90), à 20 h 30 mercredi, vendredi, samedi, à 19 h 30 mardi et jeudi, et en matinée le dimanche à 17 heures. Durée : 2 heures. Jusqu’au 23 octobre.
* Gérard Leray, professeur d’histoire et Philippe Frétigné, facteur de clavecins, excellent connaisseur de l’histoire de la ville de Chartres, ont composé un ouvrage sur cet épisode, à paraître en janvier 2011.
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