Il faut remonter huit mois en arrière, précisément en février 2001, date à laquelle cet homme fait des crises convulsives récurrentes à début partiel. Typiquement, les crises se déroulent de la façon suivante : tremblements fins naissant dans la main droite, élévation du bras, perte de connaissance et crise tonicoclonique généralisée. Le scanner est normal.
Les crises continuent malgré un traitement par valproate de sodium.
En avril, à l'occasion de rectorragies, on lui trouve un adénocarcinome caecal de grade A de Duke, qui est opéré (hémicolectomie droite) en juillet. Si l'intervention a été si tardive, c'est parce que, en préopératoire, on a trouvé une anémie, avec paraprotéinémie de type IgM et une cryoglobuline de type 1 ; ce qui a conduit à découvrir un lymphome non hodgkinien de bas grade, qui, à ce stade, n'a pas été traité.
Un lymphome non hodgkinien de bas grade
Nous arrivons à octobre 2001. Un jour, cet homme est passager dans une voiture. Juste après que la voiture a franchi quelques feux tricolores, l'homme aperçoit, dans sa vision centrale, une rangée oblique de feux rouges ; le phénomène dure quelques minutes et laisse la place à une perte transitoire de la vue du côté gauche. Ce qui le conduit aux urgences.
Le voilà en train d'attendre qu'on s'occupe de lui. Dans le local où on l'a installé, il y a un négatoscope. Et, au négatoscope, une radiographie de genou. Son regard se pose sur ce cliché de genou. Image qui le poursuit : il voit un genou sur tout ce qu'il regarde, les visages humains, les meubles, les interrupteurs... Cela dure quelques minutes et cesse. Mais l'homme n'est pas tranquille pour autant : après qu'une infirmière est passée sur son côté gauche, il croit la voir passer sans arrêt. Puis, ayant vu un patient ayant de la crème glacée sur le pourtour de la bouche, il s'est mis à voir tout le monde, malades et soignants, avec de la crème glacée. En dehors de ces hallucinations, tout va bien. Les troubles cessent en douze heures après adjonction de carbamazépine au valproate. Dans le bilan de ces troubles, on lui fait une ponction lombaire qui montre une protéinorachie à 0,74 g/l (N < 0,40) et 30 cellules/mm3 (N < 4), dont 4 % sont des lymphocytes clonaux (lambda). Le diagnostic retenu est celui d'une infiltration du système nerveux central par son lymphome B. On fait une chimiothérapie. En janvier 2003, le lymphome est en rémission : il n'y a pas eu de récurrence des crises convulsives ni de sa palinopsie.
Palinopsie : persistance ou récurrence d'images visuelles
Qu'est-ce donc que la palinopsie [du grec palin (encore) et opsis (vision)] ? Il s'agit de la persistance ou de la récurrence d'images visuelles après la disparition du stimulus excitateur. Ce patient avait aussi des manifestations de polyopies (images multiples) et d'hallucinations de mouvement.
La palinopsie est typiquement localisée dans le cortex occipito-temporal non dominant.
Son mécanisme est incertain. Les hypothèses les plus plausibles sont : une crise visuelle, une hyperperfusion adjacente à des aires de lésions corticales, ou, en cas de perte de la vue, des hallucinations.
Dans le cas présent, les antécédents de crises convulsives et la réponse rapide à la carbamazépine font penser à une palinopsie épileptique dans un contexte de lymphome et de lymphomatose méningée.
« La palinopsie est probablement sous-diagnostiquée : chez ce patient, la présentation visuelle aurait pu être prise pour une confusion plutôt que reconnue comme une manifestation neurologique localisée », concluent les auteurs.
Philip Smith et coll., « Lancet » du 29 mars 2003, p. 1098 (Case Report).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature