L'histoire de la médecine en France : toujours facultative

Publié le 20/11/2002
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L es vicissitudes de la chaire d'histoire de la médecine, d'abord chaire hippocratique emportée par les réformes révolutionnaires, puis refondée en 1870, laissée vacante à la mort du Pr Roger Rullière, et enfin reprise à Cochin sous forme d'un enseignement spécifique, sont à l'image de la place de la discipline dans l'enseignement médical.

« Même en 1870, lors de sa refondation grâce au mécénat d'un généreux donateur, Salmon de Champotron, il s'agissait d'un enseignement confidentiel réservé aux spécialistes, explique Danièle Gourevitch, membre du bureau de la SFHM et directeur de recherche à l'Ecole pratique des hautes études ; cette chaire était attribuée comme une chaire d'attente, même si certains professeurs y furent très actifs. Il faut citer Charles Coury, qui l'a tenue de 1965 à 1973 et dont l'ouvrage sur l'histoire de la médecine est toujours utilisable. »
Aujourd'hui, les chaires ont disparu et il reste un enseignement d'histoire de la médecine au CHU Cochin, dirigé par Armelle Debru, historienne, spécialiste de la médecine antique.
Théoriquement, l'histoire de la médecine peut trouver sa place en PCEM1 dans le module (obligatoire) de sciences humaines et sociales. Mais peu d'universités offrent cette possibilité aux étudiants, lui préférant l'anglais, la psychologie ou l'informatique. A Tours, on fait venir des conférenciers ; à Amiens, un professeur agrégé en philosophie a été nommé qui donne des cours d'histoire et de philosophie de la médecine ; à Lille, un spécialiste de Galien et un anatomopathologiste assurent un enseignement en première année, et une option en troisième et cinquième années ; à Toulouse, au CHU Purpan, il existe un enseignement sous la responsabilité d'un maître de conférences, chirurgien orthopédiste ; à Nantes, c'est un professeur d'histoire des sciences qui officie ; à Montpellier, il n'y a pas de professeur officiel, mais des cours clandestins, etc.

Une centaine de thèses par an

« L'histoire de la médecine n'est pas reconnue et il n'y a pas de poste », résume le Dr Alain Ségal, actuel président de la SFHM. Il encadre, à Reims, les étudiants qui veulent faire leur thèse de médecine sur un sujet historique.
Une centaine de thèses de médecine (sur 5 000) sont consacrées chaque année à l'histoire de la médecine. Après une envolée en 1997-1998 (121 et 133 thèses), « la tendance est à la baisse, avec 95 thèses en 2000 et 73 en 2001 », selon Guy Cobolet, conservateur de la Bibliothèque interuniversitaire de médecine, la BIUM, vers laquelle convergent annuellement quelque 5 000 thèses médicales françaises. Les thèses les plus dignes d'intérêt sont d'ailleurs publiées en ligne sur le site Web de la BIUM (www.bium.univ-paris5.fr). Comme le souligne Danièle Gourevitch, c'est en première année que l'on suscite l'intérêt des étudiants. D'où l'importance d'instaurer dans toutes les universités la possibilité de suivre un enseignement.

Un public varié

A défaut d'enseignement obligatoire, il est toujours possible de suivre des conférences. Il existe des cycles à Lyon, à l'institut d'histoire de la médecine (université Claude-Bernard) et à Paris, au centre d'histoire de la médecine* (université Paris-VI) du 15, rue de l'Ecole-de-Médecine. Ce cycle de conférences d'histoire et de philosophie de la médecine (assurées bénévolement par des conférenciers) attire, chaque année, une cinquantaine d'auditeurs. A l'Ecole pratique des hautes études, on peut s'inscrire aux cours d'histoire de la médecine (validés par un diplôme) du département dirigé par Danièle Gourevitch ou se spécialiser sur la médecine médiévale ou tibétaine.
« Nous avons deux catégories d'élèves : des étudiants dans le cadre d'un DEA ou d'une thèse et des auditeurs libres, parmi lesquels des médecins proches de la retraite, des dentistes (la Société française d'histoire de l'art dentaire est très active), des pharmaciens, des professeurs de lycée. Les médecins peuvent faire un travail « formidable », s'enthousiasme Mme Gourevitch, qui cite la thèse que vient de soutenir un ophtalmologiste sur les lentilles de contact et qui va être traduite en anglais.

Des travaux remarquables

L'absence de reconnaissance officielle n'empêche pas la recherche médico-historique de susciter des vocations parmi les universitaires ou les médecins. La plupart de ces spécialistes font partie de la SFHM et publient des ouvrages de qualité. Les musées, les bibliothèques, les hôpitaux ouvrent leurs archives.
Plusieurs spécialités médicales ont leur propre société d'histoire : la dermatologie, la psychiatrie, l'ophtalmologie, l'anesthésie-réanimation.
Régulièrement, quelques étudiants passionnés se forment en paléopathologie. Et les archéologues n'imaginent plus de fouiller une nécropole sans faire appel à un spécialiste de cette discipline. Des sociologues s'intéressent à l'histoire des découvertes médicales et à l'évolution des pratiques. Et l'on compte pas mal de spécialistes des textes médicaux anciens.
Il n'empêche. « Lors des congrès internationaux, on se sent un peu en porte-à-faux parmi nos collègues étrangers », regrette le Dr Ségal.
Il n'est donc pas étonnant que des sujets faisant appel à des archives françaises soient traités à l'étranger. Mais c'est parfois regrettable. Ainsi, dans une récente histoire de la naissance de la psychiatrie, « Console and Classify », des documents princeps français sont publiés en anglais. Ce qui fait bondir les chercheurs comme Mme Gourevitch : « J'espère qu'on aura droit à l'original et non à une retraduction dans l'édition française. »
M.-F. P.

* Inscription auprès de M. Conan au 01.42.34.69.48.

PANGE Marie-Franoise de

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7223