PLUS DE 200 MYTHES se rapportant à des inondations ont été consignés dans les cultures grecque, égyptienne et babylonienne. Ils remontent... au Déluge. Bien sûr, il ne faut pas confondre la Bible et le récit historique, mais des chercheurs « sérieux » ont bien étayé l'hypothèse d'un immense déluge qui se serait produit il y a 70 000 ans aux environs de la mer Noire. A une échelle événementielle plus modeste, l'histoire humaine fut souvent modelée par les crues, les inondations torrentielles et leur fidèle complice, le vent.
En 480 avant J.-C., les Grecs affrontent les Perses dans la bataille navale de Salamine. Thémistocle, feignant le repli, attire la flotte de Xerxès dans un détroit, sachant qu'un vent frais va se lever, faire grossir la mer et ballotter les trop lourds bateaux perses. Manque de chance pour ces derniers, ils doivent rentrer piteusement chez eux vers la fin de l'automne et affrontent de terribles tempêtes. Ils avaient réduit Athènes en cendres sans réussir à vaincre les Athéniens. C'est ainsi, dit Laura Lee, que «les brises de mer ont sauvé la culture occidentale».
Vers l'an 541 après J.-C., une peste bubonique fait des millions de victimes. Le mauvais temps en est la cause à travers une chaîne très complexe : une immense sécheresse finit par occasionner des pluies torrentielles, les écosystèmes sont bouleversés par la mort de rongeurs, entraînant un désastre bactériologique. Or, lorsque la peste balaya l'Europe, elle gagna dans les cales des bateaux la Grande-Bretagne, un pays au départ peuplé de Celtes, puis envahi par les Angles brutaux. Les premiers préférèrent commercer avec la Méditerranée et contractèrent la maladie, les autres, qui parlaient l'ancêtre de l'anglais, étendirent progressivement leurs colonies à ce qui allait être le futur empire britannique. Un raccourci de cette histoire un peu compliquée consisterait à dire que c'est à la peste que l'on doit la prodigieuse extension de la langue anglaise dans le monde...
L'utilisation du thème « petites causes - grands effets » est bien sûr à l'origine de nombre des petites et grandes histoires qui sont toutes contées avec beaucoup de talent dans ce livre.
Mais peut-on appeler « petites causes » des ouragans balayant des villes, des tremblements de terre les rayant de la carte ou même un état climatique serein et en apparence anodin ? L'homme semble subir passivement les convulsions du ciel et de la terre, bien sûr faute de pouvoir les prévoir et les utiliser, tout le monde n'a pas l'astuce de Thémistocle. C'est aussi, lorsqu'on pense à la stratégie militaire, par excès de confiance et d'orgueil. Grâce au climat, la démesure humaine nous est contée.
En 1812, Napoléon jeta son dévolu sur la Russie, une conquête inévitable pour qui dispose d'une aussi Grande Armée : 600 000 hommes. Je sais, vous croyez déjà connaître l'histoire. Mais avant même la terrible offensive du général Hiver, on est effarés par l'impréparation des troupes françaises. On se souvient du froid et de la neige, on a oublié qu'en traversant la Lituanie, il faisait très chaud. Puis les pluies et la boue, et les Russes qui épuisent leurs adversaires en se repliant sans cesse. On voit dans la campagne de Russie, dit l'auteur, «le début de la fin du règne de Napoléon, scellée à Waterloo en 1814. Elle aurait dû servir d'avertissement à tous ceux qui projetaient d'envahir la Russie. Ça n'a pas été le cas».
C'est bien sûr à l'enfer de Stalingrad qu'est consacré le chapitre suivant, penserez-vous. Pas tout à fait, car le livre a l'art de nous laisser respirer en faisant un peu dans l'historiette, il se divertit d'un drapeau qui souffle au vent, d'un général pris par un rhume qui va infléchir le cours de l'Histoire. Et ne peut-on pas s'amuser (un peu) en découvrant que, voulant envahir la Finlande, les Russes eux-mêmes affrontèrent avec des vêtements trop légers des températures de – 40 à – 50°C ?
La défaite de Diên Biên Phu s'explique par l'ignorance du début de la mousson de la part des Français, une précoce mousson de printemps (mars 1954) qui avait été anticipée par le rusé Hô Chi Minh.
Dès le début de la Deuxième Guerre mondiale, les pays belligérants avaient pourtant vu que la météo était une partie intégrante du travail de renseignement militaire. Encore fallait-il que des moyens énormes soient mis à son service. Ce ne fut pas le cas dans l'offensive hitlérienne « Barbarossa » contre l'Union soviétique : un « spécialiste » avait assuré qu'il ne pouvait y avoir quatre hivers consécutifs très rudes dans ce pays. Il fut, paraît-il, difficile à joindre vers la fin de l'aventure nazie.
Du côté des alliés, d'importants services furent mobilisés pour préparer l'opération Overlord. Une météo incertaine retarda plusieurs fois le débarquement, mais elle favorisait aussi l'effet de surprise. Lors du jour J, le temps s'était amélioré dans le ciel, mais le vent agita fortement la mer et les péniches.
Ce n'est heureusement pas demain que l'homme fera la pluie et le beau temps. Ses «interventions involontaires» ne consistent pas à «d'abord ne pas nuire» si on évoque le réchauffement du globe. Quant au beau temps lui-même, il peut tout aussi bien servir la perversité humaine. Il faisait très beau le 6 août 1945 au-dessus d'Hiroshima.
« Et s'il avait fait beau ? », Ed. Acropole, 400 pages, 15,90 euros.
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