Quatre-vingt-quinze pour cent des Français ignorent que l'herpès est une maladie virale et contagieuse, contre 48 % pour le SIDA. Autre chiffre significatif : seulement 7 % des personnes interrogées citent cette dermatose comme maladie sexuellement transmissible. Ces données, obtenues grâce à une enquête Louis-Harris Médical menée en 1998, révèlent l'ampleur de la méconnaissance du grand public vis-à-vis de l'herpès. Pourtant, ce n'est pas faute de patients concernés. En France, on compte 10 millions de personnes atteintes d'herpès labial, 2 millions d'herpès génital et 60 000 d'herpès oculaire. A cela s'ajoutent chaque année au moins vingt cas d'herpès néonatal, et environ 200 cas de méningite herpétique. Le Pr Brigitte Dréno, présidente de l'association Herpès, crie à l'urgence. « La recrudescence des MST est attestée par différentes enquêtes tant en France que dans d'autres pays d'Europe. Or, parmi toutes les MST, l'herpès génital est celle qui progresse le plus rapidement. » Alors, comment expliquer une telle méconnaissance de l'herpès ?
Peut-être avant tout à cause de la difficulté à établir le bon diagnostic. « Deux raisons en sont la cause », explique le Dr Françoise Ramel, dermatologue à Paris. Le caractère atypique des lésions ou érosions, qui peuvent être confondues avec une mycose, ainsi que le retard de la consultation en dehors des poussées. » Résultat, seulement 20 % des séropositifs se savent porteurs du virus ; 60 % d'entre eux ne sont pas diagnostiqués et les 20 % restants sont des porteurs asymptomatiques. « C'est très grave, souligne Brigitte Dréno, car en ignorant leur statut sérologique, ces personnes peuvent transmettre le virus sans le savoir. »
Une annonce délicate
Une fois le diagnostic établi, reste la difficulté à l'annoncer au patient. De nos jours, l'herpès est encore perçu comme une maladie honteuse et sale. Pour savoir comment s'en sortent les médecins, l'association Herpès a mené une enquête auprès de 1 647 d'entre eux, dont 1 054 médecins généralistes, 242 gynécologues et 351 dermatologues. La majorité considère l'annonce comme délicate, compte tenu du caractère contagieux de la maladie, de ses conséquences sur la vie de couple du patient et de son caractère récidivant. D'où la nécessité d'un soutien psychologique des patients, souhaité par 8 médecins sur 10.
Toutefois, il ne suffit pas de poser le bon diagnostic. La prise en charge médicale doit être à la hauteur. Or, pour soigner une crise d'herpès, beaucoup de gynécologues se contentent d'un traitement local, c'est-à-dire d'une crème. Pourtant, on reconnaît actuellement que ce traitement est insuffisant. Mieux vaut lui préférer un traitement par voie générale, tel l'aciclovir, qui réduit les symptômes et limite la durée de contagiosité. Ce médicament est donc une composante importante de santé publique, qui permet de lutter contre la transmission de l'herpès. Or, bien que disponible depuis plusieurs années, l'aciclovir reste sous-utilisé.
Pour tenter de dédramatiser ce sujet tabou et pour mieux informer grand public et médecins, la première Journée nationale contre l'herpès aura donc lieu le 22 novembre 2001. Avec pour partenaires, le Comité français d'éducation pour la santé, le Comité d'éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française, la Mairie de Paris ainsi que l'association Herpès. Cette journée s'inscrit dans le cadre de la Semaine internationale contre l'herpès, qui se déroulera simultanément dans plusieurs pays, du 12 au 18 novembre. En France, des actions seront menées au niveau des décideurs. Ainsi, un colloque se déroulera au Sénat en présence de responsables politico-administratifs des questions de santé, de professionnels de santé et de la presse. Mais la principale cible visée par cette journée, c'est le grand public. L'ensemble des structures de soins en France mettra à la disposition des patients des documents d'information sur l'herpès. A Paris, plusieurs points relais distribueront des brochures explicatives, lesquelles seront également disponibles en pharmacie. Par ailleurs, des initiatives spécifiques seront mises en uvre dans trois régions de France. En Champagne-Ardenne et dans l'Aube, des radios locales diffuseront des chroniques d'information sur l'herpès. En Languedoc-Roussillon et dans les Pyrénées-Orientales, une enquête sera réalisée auprès des étudiants et des professionnels de santé, pour tenter d'améliorer la communication entre jeunes et médecins. Enfin, en Basse-Normandie, une demi-journée permettra aux professionnels de santé d'échanger sur les relations à entretenir avec les jeunes. Brigitte Dréno souhaite que cet événement soit « l'occasion de dresser un état des lieux de la maladie, et de mettre en place une politique de santé publique visant à mieux connaître l'herpès, et à mieux le prévenir ».
Le programme complet de la Journée nationale contre l'herpès est consultable sur le site de l'association Herpès : www.herpes.asso.fr. Pour en savoir plus sur l'herpès, lire l'ouvrage « Maux secrets, MST maladies taboues » (collection Mutations n° 188, septembre 1999), à commander sur le site ci-dessus.
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