QUINZE ANS après le début des traitements de substitution aux opiacés (TSO) avec la méthadone, la pharmacopée destinée aux toxicomanes dépendants de l'héroïne repose aujourd'hui sur le Subutex et, depuis avril 2007, sur son générique : la Buprénorphine, des Laboratoires Merck. Aux trois comprimés fabriqués actuellement par le groupe pharmaceutique (8 mg, 2 mg et 0,4 mg) viendront s'ajouter trois autres dosages intermédiaires : 6 mg, 4 mg et 1 mg.
Une petite révolution pour le médecin prescripteur et surtout pour le patient, pour qui, de l'avis du Dr William Lowenstein, président du groupe de travail sur les TSO de la commission nationale Addiction, «prendre un comprimé de 6mg au lieu de trois de 2mg chaque jour pendant plusieurs mois et plusieurs années» représente un confort de soin qui n'est «pas négligeable». De plus, les dosages de Buprénorphine, souvent plus élevés en début de traitement, afin de «stabiliser le chaos neurobiologique qui survient à l'arrêt de la prise d'héroïne», sont ajustés au cas par cas, l'état du patient dépendant pouvant varier «de 1mg à un autre», précise le Dr Lowenstein. Au Medec, il était accompagné d'un médecin généraliste, le Dr Albert Fhima, et d'une pharmacienne, Marie-Josée Augé-Caumon. Tous trois ont accueilli cette nouveauté avec enthousiasme. Et veulent voir dans l'élargissement de la gamme de comprimés et l'intérêt de laboratoires pour ces traitements génériques un signe de la «banalisation» des pratiques médicales dédiées aux héroïnomanes.
« Camés », « junkies », des clichés à la peau dure.
Les TSO, administrés pendant de nombreuses années, sinon, très souvent, à vie, sont souvent mal considérés par les familles de patients, le public et bon nombre de professionnels de santé («5% des médecins généralistes reçoivent ces malades»). Cette approche furtive, nourrie de représentations populaires, fait trop souvent oublier que ces toxicomanes sont des patients comme les autres. Au même titre qu'un diabétique insulinodépendant a besoin de sa dose quotidienne d'insuline ou qu'un hypertendu est soumis à un traitement à vie, le dépendant à l'héroïne souffre d'une «maladie en tant que telle, d'un dysfonctionnement du système cérébral», maladie pour laquelle est nécessaire un traitement au long cours, tient à préciser le Dr Lowenstein, également directeur de la clinique Montevideo (Boulogne-Billancourt). Et de rappeler que plus de 80 % des malades prennent leur traitement normalement, que le fonctionnement en bonne intelligence du couple médecin de ville-pharmacien est le meilleur rempart contre les abus de prescription et mésusage (à distinguer des trafics mafieux), qui, s'ils existent, restent marginaux.
Quels sont les résultats de quinze années de TSO ? «Ils marchent et sauvent des vies», répondent-ils en choeur. La mortalité par overdose a chuté de 80 %, soit, selon les experts, entre 3 500 et 10 000 vies sauvées entre 1996 et 2006. L'investissement des médecins généralistes, prescripteurs de 85 % des TSO Buprénorphine et «spécialistes des TSO», selon les mots du Dr Lowenstein, est un des éléments qui a rendu possible l'accompagnement et le soin de ces personnes. Des malades qui se sont mis en situation de difficulté et dont l'addiction à l'héroïne cache d'autres troubles (du sommeil, de l'altérité, de l'humeur, etc.) qu'il est nécessaire de prendre en considération.
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