« CENT CINQUANTE MILLE Français ignorent encore que le fer qui s'accumule tous les jours dans leur organisme les conduit sournoisement vers une mort prématurée. » L'Association hémochromatose France (AHF), créée en février 1989, ne mâche pas ses mots : cette situation « reste incompréhensible et même scandaleuse dans la France d'aujourd'hui ». Maladie génétique liée à une surcharge en fer, l'hémochromatose n'en reste pas moins une pathologie fréquente qui touche gravement trois Français sur mille. Elle n'atteint pas seulement les descendants des Celtes, même si la mutation du gène responsable C282Y est chez eux souvent présente et que beaucoup de médecins considèrent encore l'hémochromatose « comme une maladie extrêmement rare et d'origine bretonne et ne pensent jamais à en faire le diagnostic ».
Les premiers symptômes, insidieux et d'apparition tardive vers 35, 40 ou 50 ans, conduisent dans neuf cas sur dix à une absence ou une erreur de diagnostic. L'intense fatigue chronique doit pourtant alerter, de même que les douleurs articulaires, les troubles du rythme cardiaque ou l'aspect terreux de la peau. L'évolution est toujours fatale en l'absence de traitement du fait des complications dues aux lésions irréversibles du foie (cirrhose et cancer), du cœur (myocardiopathies et troubles du rythme), du pancréas (diabète), des glandes endocrines (fatigue physique, psychique et sexuelle, baisse de la libido, impuissance, ostéoporose, ménopause précoce chez la femme signent l'atteinte de l'hypophyse) et des articulations.
Trois à huit ans avant le diagnostic.
Il est d'autant « plus déplorable » que les patients souffrent de maux « inconnus » pendant trois à huit ans, allant de spécialiste en spécialiste et d'examen en examen, que le diagnostic comme le traitement sont simples et peu onéreux. Un banal bilan sanguin (12 euros) permet de vérifier le taux de saturation de la transferrine : le diagnostic est évoqué en cas de résultat supérieur à 45 % et confirmé par un test génétique : recherche de la mutation C282Y, là aussi sur simple prélèvement sanguin.
Le traitement, même s'il peut sembler appartenir à une médecine d'un autre âge, est efficace. Grâce aux saignées régulières (phlébotomies), les patients retrouvent une espérance de vie normale.
Parmi les raisons qui expliquent cette méconnaissance de la maladie figure le manque de formation des médecins (un petit quart d'heure de cours en hématologie lors des sept premières années d'études), qui sont davantage sensibilisés à la lutte contre les carences en fer. Dans l'imaginaire, le fer reste associé à la force et à la bonne santé : « C'est l'effet Popeye inculqué dès l'enfance par le célèbre marin à la pipe » avalant sa boîte d'épinards, d'ailleurs beaucoup moins riches en fer que les mollusques, viandes rouges ou abats. Une fois le diagnostic posé, certains répugnent à jouer les Cassandre en annonçant à un sujet bien portant, longtemps avant que ne surviennent les premiers symptômes, qu'il est atteint d'une maladie génétique. Or, l'enquête familiale est capitale . « Frères, sœurs, ascendants et descendants devront tous se faire tester.» Ce sont trente ou quarante années de qualité de vie qui pourront ainsi être sauvées.
Dépistage gratuit.
Une prise de conscience collective du public, mais aussi des médecins, est nécessaire pour qu'évolue « une situation qui stagne depuis trop longtemps », affirme l'AHF. La journée du 5 juin, qui bénéficie du soutien du ministre de la Santé, devrait y contribuer. Première du genre, elle mobilisera des spécialistes de l'hémochromatose dans soixante villes de France autour de différents thèmes : information sur la pathologie, son traitement et sa prise en charge. Le dépistage systématique n'est pas proposé en France, même si la maladie pourrait utilement en bénéficier : « C'est encore au patient de s'informer, et de faire son autodiagnostic », regrette l'AHF. A l'issue de la journée, un dépistage gratuit sera proposé à toute personne qui le souhaite. Il est important « de savoir et de faire savoir », insiste l'association, qui rappelle que la maladie figure sur la liste des maladies graves et de longue durée prises en charge à 100 % par la Sécurité sociale.
Site : www.hemochromatose.ht.st/. Tél. : 04.66.64.52.22.
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