Chimiothérapies à domicile

L’HAD, un acteur en mode mineur

Publié le 06/12/2014
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Les chimiothérapies à domicile sont réalisées dans les mêmes conditions de qualité et de sécurité qu’en hôpital de jour. Un mode de prise en charge en cancérologie néanmoins peu développé.

Centrée jusqu’alors sur les soins palliatifs, l’activité de l’hospitalisation à domicile (HAD) tend peu à peu à s’élargir à d'autres étapes de la prise en charge des pathologies cancéreuses. Actuellement, moins de 1 % des patients traités par chimiothérapie le sont en HAD. « La dynamique récente des chimiothérapies à domicile a été impulsée par l’évolution des modalités d’administration des traitements – de l’injection en intraveineuse à la voie en sous-cutanée ou orale – par les chimiothérapies en hématologie (51 % des séjours), par les injections sous-cutanée des cytotoxiques. Les chimiothérapies à domicile sont réalisées dans les mêmes conditions de qualité et de sécurité qu’en hôpital de jour (HDJ) », explique Isabelle Hirtzlin, chef de projet à la Haute Autorité à la santé (HAS). Si la chimiothérapie en HAD progresse, elle reste néanmoins très inégalement répartie sur le territoire. En 2013, quatre régions représentent, à elles seules, 82 % de l’activité : Île-de-France (55 %), Limousin (10 %), Provence-Alpes-Côte-D’azur (9,3 %), Rhône-Alpes (7 %).

Coordination et confiance

Sur le terrain, les expériences réussies se multiplient. C’est le cas de la collaboration établie entre le Réseau d’Île-de-France d’hématologie et d’oncologie pédiatrique (Rifhop) avec quatre établissements d’HAD. « Les chimiothérapies à domicile sont faisables, sécurisées, le circuit clairement défini et bien organisé. Cela nécessite la coordination dès le départ et la confiance du centre référent. Le rôle des réseaux est également primordial. Certains pédiatres oncologues ont encore des réticences à ce que leurs patients soient suivis en HAD. Pourtant, loin des yeux, on peut bien travailler », assure Martine Gioia, coordonnatrice du Rifhop.

Une position partagée par le réseau Hematolim qui coordonne, dans le Limousin, le dispositif régional Escadhem (Externalisation et sécurisation de chimiothérapie injectable à domicile pour les hémopathies malignes). « Il y a eu des révolutions thérapeutiques dans les hémopathies malignes avec l’apparition de molécules innovantes dont Velcade®, Vidaza®, Campath®. L’administration de ces trois molécules est simple mais nécessite des cycles fréquents. Ce qui occasionne une multiplication des séjours en hospitalisations de jour, de nombreux allers-retours des patients parfois très éloignés, une diminution du confort de vie pour certains patients, un surcoût de transport et de séjour en HDJ et une surcharge hospitalière », détaille Mohamed Touati, praticien hospitalier, CHU Limoges et président du réseau Hematolim. « Au regard de tous ces éléments, la chimiothérapie à domicile présente plusieurs avantages. »

Revoir le modèle tarifaire

À en croire l’évaluation médico-économique menée par le dispositif Escadhem sur la prise en charge d’une cohorte de patients atteints de myélome, la chimiothérapie à domicile présente un avantage financier pour l’assurance maladie. « Cette étude par modélisation a montré, pour la première fois en France, qu’un traitement par bortezomib alterné HDJ/HAD pourrait être source d’une économie à hauteur de 16,9 % par rapport à un traitement exclusivement réalisé en HDJ », souligne Ludovic Lamarsalle, économiste de la santé, société HEVA (Health Evaluation).

En 2015, pour favoriser davantage la croissance des chimiothérapies à domicile, la HAS émettra des recommandations, qui vont vers un modèle tarifaire plus incitatif. « Les coûts de production de l’activité de chimiothérapie sont mal connus par l’HAD. La tarification obtenue n’est pas en relation avec l’engagement de ressources consenti. Ce modèle tarifaire actuel rend très fragile l’équilibre financier des établissements HAD pour l’activité chimiothérapie. Un fonctionnement à perte est probable dans certains cas (molécules coûteuses non en sus, durée de perfusion longue, éloignement du patient). Par ailleurs, le modèle tarifaire des établissements prescripteurs (T2A) est contre-incitatif à l’externalisation de chimiothérapies en HAD », analyse Isabelle Hirtzlin. « Ce n’est pas que le prix des produits mais aussi le temps passé par patient qui doit être pris en compte », estime Brigitte Lescoeurs, pédiatre, HAD de l’AP-HP Paris.

Nadia Graradji

Source : Décision Santé: 299