LES AUTEURS se montrent prudents en annonçant les résultats de leur étude parue dans les « Proceedings » de l'Académie des sciences américaine. Elle est préliminaire, ne porte que sur 30 patients et demande à être confirmée par des travaux de plus grande envergure.
Prudents, donc, car Dean Ornish et coll. (San Francisco) ont mis en évidence une modification locale de l'expression de gènes chez des hommes atteints d'un cancer de la prostate après avoir apporté des modifications importantes à leur mode de vie et à leur alimentation.
Des patients qui avaient refusé tout traitement.
Les patients de l'étude GEMINAL (Gene Expression Modulation by Intervention with Nutrition And Lifestyle) étaient tous atteints d'une forme peu agressive, à faible risque, de ce cancer. Ils avaient refusé tout traitement chirurgical, hormono- ou radiothérapique. Leurs taux de PSA étaient au maximum de 10 ng/ml et les biopsies montraient un score de Gleason à 6. Outre le suivi portant sur les objectifs de l'étude, une surveillance de la tumeur elle-même était instaurée.
Le changement de vie demandé aux patients pendant les trois mois de l'étude était conséquent. Une « formation » de trois jours inaugurait cette nouvelle vie. Ils devaient consommer : au plus 10 % de lipides dans leurs rations alimentaires, des aliments complets, des crudités. En outre, ils étaient supplémentés en soja, huile de poisson, vitamines E et C, sélénium. Sur le plan physique, ils prenaient en charge leurs stress une heure par jour (yoga, stretching, relaxation, etc.), marchaient 30 minutes par jour et participaient à un groupe de soutien hebdomadaire.
Les participants avaient tous, bien sûr, subi une biopsie prostatique à l'inclusion. L'examen a été renouvelé à la fin des trois mois de l'intervention sur le mode de vie. Les prélèvements ont été appariés pour chaque patient et les profils d'expression des gènes étudiés.
Entre les deux examens, 48 transcrits sont apparus surrégulés et 453, sousrégulés. Certains sont impliqués dans les processus biologiques de la tumorigenèse.
C'est ainsi que les oncogènes de la famille RAS ( RAN, RAB14 et RAB8A) étaient sous-régulés à la seconde biopsie. Dans la prostate, RAN (Ras-Related Nuclear Protein) joue un rôle de coactivateur du récepteur aux androgènes. Son expression est majorée dans les tissus tumoraux. De plus, RAN est connue pour son activité sur le contrôle de l'ADN, la synthèse et la division cellulaires. D'où une action possible antitumorale au cours d'une sous-régulation. Sous-régulé, également, le gène SHOC2 code pour une protéine, MAPK, qui représente une nouvelle cible de choix dans les traitements de nombreuses tumeurs humaines. Les gènes des voies de l'IGF (facteur de croissance insulinique) étaient aussi sous-régulés, comme ceux des métabolismes lipidiques et des hydrates de carbone.
Sur le plan clinique, le taux de PSA libre a été également amélioré chez les 30 participants. Mais seules des études plus prolongées pourront juger du rôle de changement de mode de vie sur ce marqueur.
Sur du stroma et de l'épithélium de tissu sain.
Ce dernier point introduit bien les limites du travail américain. Tout d'abord, cette étude pilote n'a pu être randomisée, notamment en raison de son coût. Ensuite, chez un tiers des patients seulement, les biopsies contenaient du tissu tumoral. Dès lors, les réponses ont été enregistrées sur du stroma et de l'épithélium de tissu sain. Les auteurs suggèrent que leurs résultats ne se limitent donc pas aux hommes atteints d'un cancer de la prostate. Il est fondamental que de nouvelles études portent sur l'analyse génétique de tissu à la fois sain et tumoral. De même, le rôle du changement de mode de vie dans la sous-régulation d'oncogènes potentiels, tels que RAN et SHOC2, mérite d'être confirmé, notamment par une modification parallèle des taux de protéines codées. Enfin, le protocole de suivi était particulièrement lourd et complexe. Il faudra déterminer si simplement quelques-uns de ses composants pourraient suffire pour obtenir le même résultat.
Les auteurs concluent que la compréhension des mécanismes impliqués dans cette modification de l'expression de gènes devrait avoir un impact sur les stratégies préventives et thérapeutiques.
« Proceedings of the National Academy of Sciences », vol. 105, n° 24, pp. 8369-8374.
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