D EPUIS que l'on sait que le dibromochloropropane, un agent utilisé pour la lutte contre les nématodes, est associé à une diminution marquée du nombre de spermatozoïdes, on cherche à savoir si l'exposition professionnelle à d'autres produits peut altérer la spermatogenèse. Mais, jusqu'à présent, peu de produits se sont montrés toxiques pour la reproduction humaine. Le plomb pourrait être néfaste à de fortes concentrations. Des études danoises ont suggéré que les soudeurs peuvent avoir un spermogramme pauvre mais cela n'est pas très clair. Des études isolées ont aussi mis en avant un risque lié à d'autres métaux, pesticides et agents physiques.
L'exposition aux solvants organiques est répandue. Chez l'animal, on a observé des dégâts testiculaires spécifiques (par exemple, le n-hexane sur la cellule de Sertoli) ou une diminution du poids testiculaire. Chez l'homme, peu d'études ont été réalisées. Quelques effets mineurs ont été notés dans les populations exposées au perchloroéthylène, au styrène, aux éthers d'éthylène de glycol (classe de solvants organiques présents dans les peintures, les encres et les diluants).
Deux études européennes antérieures
En Europe, deux études ont été réalisées dans des centres d'infertilité : l'une, belge, a montré que les hommes consultant pour infertilité de couple avaient, plus souvent que les contrôles, des métabolites d'éther de glycol dans leurs urines ; l'autre, néerlandaise, a suggéré que les hommes infertiles avaient été exposés à des solvants aromatiques, plus souvent que des hommes fertiles.
Lorsque ces deux travaux ont été publiés, une étude canadienne était déjà en route. C'est elle qui est maintenant publiée dans la revue scientifique « Occupational and Environnemental Medicine » par Cherry, Labrèche, Collins et Tulandi.
Ce nouveau travail a porté sur tous les couples vus dans un seul centre d'infertilité de Montréal (Royal Victoria Hospital, McGill University) entre 1972 et 1991. Afin de tester la reproductibilité des résultats, les auteurs ont utilisé les données d'un autre travail, l'étude CITES (Canadian Infertility Therapy Evaluation Study), conduite dans dix centres canadiens entre 1984 et 1987.
Chez tous les sujets, on a étudié le sperme (concentration, mobilité, morphologie) recueilli après trois jours d'abstinence.
Les sujets ont été répartis en deux groupes : les « cas » (moins de 12 millions de spermatozoïdes par ml) et les « contrôles » (plus de 12 millions par ml).
Pas moins de 13 000 emplois ont été analysés pour y évaluer la possibilité ou non d'une exposition aux solvants organiques. Quatre types d'emplois ont été définis : 1) pas d'exposition ; 2) faible exposition, inférieure à 30 % du seuil (catégorie 1) ; 3) exposition modérée, entre 30 et 50 % du seuil (catégorie 2) ; 4) élevée, supérieure à 50 % (catégorie 3).
Différents niveau d'exposition en fonction des emplois
Au total, on a trouvé 35 emplois de catégorie 1, 11 de catégorie 2, et 5 de catégorie 3 (peintres en bâtiment, opérateur d'imprimerie, autres employés d'imprimerie, blanchisseurs, ouvriers de construction navale).
Dans l'étude Montréal, on a trouvé une relation significative entre une faible concentration de spermatozoïdes et exposition aux solvants (odds ratio de 2,07 pour une exposition modérée et de 3,83 pour une exposition élevée). Dans l'étude CITES, la relation a été confirmée pour une exposition élevée mais pas pour une exposition modérée.
« Ces résultats concordent avec ceux de deux études européennes récentes », indiquent les auteurs, même si des biais peuvent être envisagés. Il ne semble pas que ce soit ici le cas de l'alcool, du tabac, voire d'une exposition au plomb.
« La présente étude ne permet pas d'identifier la nature exacte de l'exposition toxique dans ces emplois caractérisés par l'utilisation de solvants et ne permet pas non plus de mesurer exactement le risque. Toutefois, elle s'ajoute aux données qui suggèrent que l'exposition aux solvants organiques constitue un risque pour la fertilité masculine », précisent-ils.
« Ces résultats suggèrent que des efforts devraient être faits pour identifier les composés à risque pour la fertilité masculine et, si le risque est confirmé, pour contrôler leur usage. »
« Occup Environ Med », 2001 ; 58 : 635-640.
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