Au réveil
Mme V. Coralie, 38 ans, se plaint d'une toux et d'un enrouement. L'interrogatoire de cette patiente, sans antécédent particulier à l'exception d'une colopathie fonctionnelle déjà ancienne, montre que les symptômes sont surtout matinaux. La patiente tousse au réveil, puis dans la matinée et la toux devient beaucoup moins fréquente dans la journée pour disparaître vers 17 heures. Il n'y a pas de toux nocturne. La malade se plaint également d'un enrouement matinal qui s'améliorerait après le petit déjeuner. Lors de la consultation de l'après-midi, la voix n'apparaît pas modifiée de façon évidente.
Plusieurs consultations, plusieurs examens
Elle a déjà consulté plusieurs médecins généralistes ou spécialistes. Elle apporte avec elle plusieurs documents dont deux examens pharyngo-laryngoscopiques effectués par deux ORL. L'un fait état d'un examen normal, l'autre conclut à une laryngite postérieure par reflux en raison d'un érythème interaryténoïdien. Une radiographie thoracique a été effectuée et ne montre pas d'anomalie. Une endoscopie oesogastroduodénale n'a pas montré de lésion muqueuse des organes explorés.
La patiente a été traitée tout d'abord de façon symptomatique avec différents antitussifs sans résultat probant, puis par antisécrétoires sous forme d'inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). Trois molécules différentes ont été testées, tout d'abord à doses standards pendant quatre semaines, sans effet, puis à doses doubles pendant quatre mois. La patiente déclare avoir été améliorée pendant quelques jours, mais la toux est réapparue. Gênée dans la vie courante, elle réclame une thérapeutique efficace de façon véhémente.
Commentaire
Le concept de laryngite par reflux, développé dans les années 1990, est actuellement remis en question. S'il est certain qu'un reflux gastro-oesophagien (RGO) évident du point de vue digestif en raison de l'existence d'un pyrosis et de régurgitations acides peut entraîner des manifestations à type de toux ou de pharyngodynie, il est difficile d'attribuer actuellement des symptômes ORL isolés, sans symptomatologie digestive associée, à un RGO. Les manifestations cliniques ne sont pas spécifiques (toux, fausses angines, pharyngodynie, dysphonie, raclements de gorge). Des études pHmétriques avec des niveaux différents d'enregistrement (oesophage distal et proximal, pharynx) ne permettent pas d'associer symptômes et reflux acide pathologique.
Les descriptions laryngoscopiques ne sont pas reproductibles entre observateurs différents, ce qui explique les dis- cordances de résultats chez cette malade. Ces modifications à type d'oedème ou d'érythème du secteur postérieur du larynx sont retrouvées fréquemment dans une population asymptomatique. Du point de vue thérapeutique, si plusieurs études ouvertes initiales faisaient état d'un résultat favorable, voire spectaculaire des IPP, les essais randomisés en double aveugle et deux métaanalyses de ces essais n'ont retrouvé aucune différence entre le traitement par IPP, même à doubles doses, et un traitement par placebo avec une amélioration symptomatique dans 40 à 50 % des cas pour les deux thérapeutiques.
Le suivi de ces patients à long terme montre que, dans environ 30 % des cas, une pathologie respiratoire, essentiellement allergie ou asthme, est découverte ultérieurement. Dans le reste des cas, on reste avec un diagnostic de manifestation fonctionnelle pharyngée du même type que la colopathie fonctionnelle.
La prise en charge de ces malades passe donc par une explication répétée de la bénignité de la maladie, par des prescriptions éventuelles d'antidépresseurs à faible dose ou par des mesures non médicamenteuses type relaxation.
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