LIQUIDATION médicalisée, « Web médecins », relevé annuel de prestations, transmission des données aux unions régionales de médecins libéraux (Urml), accès des complémentaires maladie aux informations, débat autour du futur dossier médical personnel : jamais le monde de la santé n'a autant discuté de l'utilisation des données de l'assurance-maladie.
Ce thème était au cœur de la 8e Journée de l'assurance-maladie de la Canam (professions indépendantes), dont le colloque au Sénat a réuni environ 200 personnes.
Il ressort de ce colloque que les principaux acteurs du monde de la santé, sans exception, s'activent non seulement pour avoir accès à des données compréhensibles et fiables, mais surtout pour les utiliser au mieux demain, qu'il s'agisse d'une exploitation classique à visée économique, de la responsabilisation des assurés et des prescripteurs, de l'information sur les coûts, ou encore de la préparation des politiques de santé publique.
La question du reste à charge.
A l'heure des parcours de soins, la question de la transparence du système se pose en priorité. Pour Dominique Polton, directrice de l'Institut de recherche et documentation en économie de santé (Irdes), une meilleure information des usagers sur les dépassements d'honoraires et le reste à charge est devenue une absolue nécessité. « La réforme accroît considérablement la variabilité du reste à charge, qui peut aller du simple au triple, explique-t-elle . Or on demande aux assurés de faire des choix (entre démarche coordonnée et libre accès au spécialiste par exemple) et de les assumer. » Il faudrait donc que les patients soient parfaitement éclairés. On en est loin. Pour Dominique Polton, l'assurance-maladie, les mutuelles, le médecin traitant et les spécialistes devraient concourir à mettre à la disposition des patients une information « claire ». André Hoguet (Cftc), membre de la Cnam et de l'Uncam, estime qu'une « clarification politique » des parlementaires serait utile sur ces questions de tarifs et de ticket modérateur.
Côté médecins, l'accès des unions aux données de l'assurance-maladie est un long combat, qui a empoisonné les rapports avec les caisses. « Nous avons attendu dix ans pour obtenir (en février 2004) le décret de transmission des données (FSE) aux unions, rappelle le Dr Pierre Monod, président de la conférence des présidents d'Urml. Après avoir parfois été traités de petits délinquants, les médecins vont pouvoir évoluer vers des rapports plus adultes. » Les unions ne comptent pas en rester là. « Avec l'accès aux données, nous devons apporter à nos partenaires une expertise sur l'organisation des soins. C'est aussi un outil d'efficacité médico-économique des pratiques », explique le Dr Monod. En clair, l'utilisation des données pourrait apporter une aide à la profession dans le cadre de l'évaluation obligatoire des pratiques professionnelles (EPP). Quant aux « attentes » des médecins libéraux en la matière, il cite la mise en place d'un « tableau de bord personnalisé », l'accès à des données patients disponibles « en ligne » (d'où l'intérêt pour le Web médecins), la participation à la gestion du risque et, plus que tout, un système d'information qui soit « compréhensible et non chronophage ».
Si les médecins misent beaucoup sur l'utilisation des données, c'est également le cas des complémentaires, jusque-là « payeurs aveugles », et dont la réforme accroît sensiblement le champ d'intervention. Pour pouvoir « tenir les deux bouts » de l'exigence économique et de la qualité médicale, Daniel Lenoir, directeur général de la Mutualité française (et ex-directeur de la Cnam) pose certaines conditions : l'accès aux « données agrégées » du Sniram (Système national interrégimes d'assurance-maladie), permettant de constituer une base d'informations, mais aussi l'accès aux données de liquidation, par exemple pour savoir « si le parcours de soins est respecté ». Ce qui n'empêche pas non plus les complémentaires de vouloir accéder à des données propres, individualisées et anonymisées, via un tiers de confiance.
On le voit : en s'appuyant sur la mobilisation des données de santé et la gestion du risque, la réforme ouvre les appétits et les exigences. Pour le Dr André Chassort, membre du conseil scientifique de la Cnam, cette question va même « modifier » la relation médecin-malade.
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