LE Dr JEAN-YVES DESTOUCHES est maître de stage depuis sept ans. Dans le cabinet de Bagneux où il exerce avec deux confrères, il accueille depuis le début du mois sa quatorzième stagiaire, Marilyne, en deuxième année d'internat au Kremlin-Bicêtre. Pour exercer cette fonction, le praticien a signé la charte établie par le département de médecine générale de la faculté de Paris-Sud. Il répond à tous les critères exigés : plus de cinq ans d'expérience, des compétences pédagogiques et en gestion. Il dispose d'un « cabinet offrant un environnement favorable à la formation » et a envoyé une lettre de motivation circonstanciée au département de médecine générale de la faculté.
Sept ans de ce régime n'ont pas émoussé l'enthousiasme du généraliste des Hauts-de-Seine. « J'éprouve toujours le même intérêt intellectuel à encadrer des stagiaires, explique-t-il. Les médecins ont beaucoup à transmettre, mais c'est aussi pour eux l'occasion de se remettre en question. Le savoir ne se transmet pas de façon uniforme. » L'omnipraticien estime également que ce contact est une aubaine pour les futurs médecins. « Les internes sont très bien formés dans les services hospitaliers, mais, lors de ces stages en cabinet de médecine générale, ils apprennent des méthodes de diagnostic différentes. Les généralistes ne peuvent pas demander un scanner au moindre mal de tête, par exemple. »
Marilyne attend beaucoup des six prochains mois d'apprentissage au cabinet du Dr Destouches. « Je veux faire de la médecine de proximité, apprendre à gérer une consultation avec un patient, adapter la thérapeutique au tout-venant et puis appréhender le fonctionnement d'un cabinet médical, sa gestion financière, explique-t-elle. On ne nous forme pas du tout à ça à la fac ! »
Autonomie supervisée.
Lors du stage chez le praticien, les internes sont obligatoirement sensibilisés à l'indispensable organisation du cabinet. Ils apprennent à remplir un dossier patient, le fonctionnement de l'assurance-maladie, sont confrontés à la réalité de la paperasserie, des feuilles de soins, de la couverture maladie universelle (CMU), de l'hospitalisation à domicile. « C'est un apprentissage très vaste », commente le Dr Destouches. L'expérience est d'autant plus formatrice que les stagiaires sont en contact avec les trois médecins du cabinet de groupe. « Les trois ont une philosophie différente, c'est enrichissant, commente Régis Seigneur, qui a fait l'an dernier son stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée (Saspas) chez le Dr Destouches. On voit comment chacun gère son matériel, ses dossiers patients. »
Sur le site Internet qui présente les différents maîtres de stage de la faculté, le Dr Destouches est décrit comme un médecin qui laisse beaucoup d'autonomie à ses stagiaires. « Dès que l'interne est suffisamment à l'aise avec le système informatique et avec les patients, et, quand il a l'impression de pouvoir prescrire, on le met dans un bureau à côté et on le laisse s'occuper des patients du jour*. C'est la meilleure formation qui soit », explique le médecin. Les internes jouissent d'une relative liberté pour mener leurs consultations. Mais pas question pour le généraliste d'abandonner son interne. Le Dr Destouches reste accessible pour discuter d'un éventuel problème. A la fin de chaque demi-journée, le médecin et l'interne font le point. « On passe évidemment plus de temps sur les cas difficiles, comme les personnes âgées pluripathologiques, que sur les rhino-pharyngites », reconnaît Régis. A cette relative liberté, le Dr Destouches fixe une seule limite : « Je refuse que les internes reçoivent seuls les toxicomanes, car ils profitent souvent de voir une nouvelle tête pour les manipuler. »
Une expérience marquante.
Avec le recul, Régis ne regrette pas d'avoir effectué son sixième semestre chez le Dr Destouches. « J'ai toujours voulu faire de la médecine générale en ville et j'apprécie la clientèle variée de Bagneux. Faire de la médecine en situation concrète, c'était une grosse opportunité, surtout quand le maître de stage, comme le mien, est disponible. » Le jeune remplaçant affirme avoir acquis des habitudes depuis son passage chez le Dr Destouches. « Mon maître de stage m'a appris à faire certaines prescriptions au début, confie-t-il . Il m'a aidé à être prudent dans la délivrance de certificats (arrêts de travail) et à fixer des limites aux patients exigeants. J'ai fait des visites à domicile, beaucoup d'urgences pour des plaies, des détresses respiratoires, l'hypertension artérielle... Cette expérience a été très enrichissante. »
A-t-elle été enrichissante également à tout point de vue pour le maître de stage ? « Je n'exerce pas ces fonctions pour l'argent », répond le Dr Destouches . Le maître de stage est rémunéré environ 1 000 euros par mois pour l'encadrement d'un interne. Cette somme est quasi doublée avec les honoraires réalisés par l'interne et encaissés par le médecin. « Les maîtres de stage ne volent pas cette rétribution car cette activité demande du temps, de l'énergie, de la patience et de la disponibilité », estime le Dr Destouches. Le médecin souhaite néanmoins apporter sa note personnelle lors des échanges professionnels avec ses jeunes confrères. « Mon objectif est de leur transmettre une image de la médecine générale qui corresponde à ma philosophie, mais je leur précise toujours que ce n'est pas la seule façon de faire. » Le professionnel juge la présence d'internes très stimulante : « C'est aussi une façon de ne pas m'encroûter », commente le Dr Destouches.
* Les patients sont informés par le secrétariat qu'ils seront examinés par un interne de médecine générale les lundi, mardi et jeudi matin.
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