Une coupe du monde de football pour des patients psychiatriques

L'expérience originale d'un groupe de psychiatres italiens

Publié le 22/02/2016
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Crédit photo : DR

Selon une étude récemment publiée par le syndicat mondial des joueurs (FIFPro), plus d’un tiers des footballeurs souffrent de troubles psychologiques. Or paradoxalement, le football, est considéré comme une excellente thérapie des troubles mentaux comme la schizophrénie ou le bipolarisme.

En Italie, un petit groupe de spécialistes applique cette thérapie depuis vingt ans pour favoriser la réinsertion sociale de patients exclus par une société qui considère leur pathologie comme un grave handicap. « Une rencontre sur la pelouse facilite le contact entre le patient et son environnement. Elle permet de faire disparaître les différences entre les personnes considérées "saines" d’un point de vue mental et les « malades », explique le Pr Santo Rullo, psychiatre et président de l’association italienne de psychiatrie sociale (SIPS). Le spécialiste qui veut aller beaucoup plus loin, a décidé de créer une équipe nationale de footballeurs souffrant de troubles psychiatriques importants. Un projet d'envergure. Cette « nazionale » comme on l’appelle en italien, devra affronter des adversaires japonais et péruviens dans le cadre de la Coupe du monde des malades psychiatriques qui se tiendra à Osaka (Japon) du 23 au 27 février prochain.

L'aventure pourrait modifier le cours du destin des joueurs dont le parcours fera l'objet d'un documentaire intitulé « Crazy for football » de Volfango De Biasi. Un film à petit budget financé par Sky dancers, une production indépendante qui a décidé de parier sur cette expérience à la fois médicale et humaine. Avant le tournage, commencé à Rome le 12 février dernier et qui devrait se terminer à Osaka lors de la remise de la Coupe, les joueurs ont été sélectionnés. « Nous avons fait passer une annonce dans la presse en demandant aux personnes qui admettent de souffrir de troubles psychiatrique et de savoir taper dans un ballon de nous contacter pour une grande aventure », raconte le Pr Santo Rullo. Plus de 55 patients ont répondu à l'annonce et 45 ont été pré-sélectionnés. « Nous avons sélectionné seize personnes au total. Des patients provenant de différents environnements. Certains vivent dans des maisons de santé, l’un d’entre eux vient d’être réinséré dans le monde du travail et vit seul » confie le psychiatre.

Peut-être les Jeux Olympiques de 2020

Depuis quelques jours, l’équipe sélectionnée est suivie par deux sportifs d’envergure : Vincenzo Cantatore, champion du monde de boxe dans la catégorie des poids lourds légers et Enrico Zanchini, ex-footballeur de première division. « Au départ, cinq nations devaient participer à cette Coupe du monde. Malheureusement, deux pays se sont retirés pour des questions de budget », déplore la production du documentaire. En revanche, le comité olympique et para-olympique japonais songe à organiser une section pour accueillir ces équipes durant les Jeux Olympiques de 2020 qui se tiendront à Tokyo. « Durant toute la préparation et la compétition, nous allons étudier le comportement des joueurs. L’idée est de démontrer que l’on peut non pas guérir de ces pathologies graves, mais apprendre à gérer sa propre personnalité », déclare le Pr Santo Rullo. Il ajoute que les résultats seront utilisés d’un point de vue scientifique pour démontrer que le sport d’équipe comme le football crée un « effet d’empathie ». Et qu’il aide à développer ou redévelopper, « la perception du moi et celle des autres et de stimuler la mémoire du vécu à travers le contact physique ». Pour ce spécialiste, le football permet aux patients de « modifier l’idée qu’ils ont d’eux et celles qu’ils imaginent que les autres ont d’eux ». De quoi bousculer les idées préconçues de la psychiatrie traditionnelle.

Ariel F. Dumont

Source : Le Quotidien du médecin: 9473