«QUATRE-VINTS POUR CENT des adolescents vont très bien, 15% sont en fragilité psychologique et 5% ont des souffrances psychiatriques graves. Pour ces derniers, la prise en charge doit être très rapide. Un jeune qui a pris de l'ecstasy durant le week-end et présente des délires ne peut pas attendre, pas plus qu'un ado en décompensation dépressive. Or les centres médico-psychologiques (CMP) ont des délais d'attente de quatre à six mois!», explique le Dr Frédéric Kochman, praticien hospitalier à l'établissement public de santé mentale de l'agglomération lilloise. Éthiquement, ce pédopsychiatre ne supportait pas ce vide dans la prise en charge. Pour mieux répondre aux attentes des adolescents en crise, il a monté dans son établissement une unité fonctionnelle pour adolescents, la quatrième de ce type créée en France.
La spécificité de l'unité est sa réactivité : l'équipe qui compte 14 personnes intervient dans les 24 heures suivant l'appel. Elle est organisée pour cela en équipes d'astreinte pour pouvoir répondre à tout moment aux urgences (sauf la nuit). Ce sont généralement les CMP qui font appel à l'UFA face à des situations de crise qu'ils ne peuvent pas gérer eux-mêmes. Mais la demande peut émaner également du médecin de famille, qui décèle chez un adolescent une grave souffrance psychologique nécessitant une prise en charge rapide. Dans quelques cas plus rares, c'est l'école qui lance le SOS, à cause d'une tentative de suicide, ou d'une situation alarmante constatée par l'infirmière. L'équipe, toujours en binôme, se rend alors sur place – dans l'établissement ou le cabinet du médecin traitant, parfois même à domicile – pour tenter de dénouer la crise.
Le relais passé au CMP.
«Les adolescents sont très souvent en opposition. Ils nient leur souffrance psychique et refusent d'aller voir un psychiatre. Venir vers eux permet d'amorcer le dialogue et de mettre en place un suivi, explique Frédéric Kochman. Si le médecin traitant connaît bien le patient, le rendez-vous peut se dérouler à son cabinet, pour faciliter le premier contact. À sa demande, l'adolescent peut également rencontrer l'équipe sans que ses parents en soient informés.»
Une fois la crise prise en charge, un suivi est mis en place, tous les jours, voire deux fois par jour dans les situations les plus graves comme les dépressions profondes ou les entrées en schizophrénie !
«Nous ne remplaçons en aucun cas les CMP, nous travaillons en relation étroite avec eux. Mais notre grande réactivité permet de gérer la situation de crise en évitant bien souvent l'hospitalisation. Après six à huit mois de suivi, généralement en thérapie cognitive et comportementale, nous passons le relais à l'équipe du CMP. Bien préparée avec le jeune, la transition se passe très bien. En travaillant ainsi main dans la main, nous avons des résultats très probants, et des adolescents asymptomatiques après plusieurs mois de prise en charge. Certaines prépsychoses peuvent être rattrappées. C'est l'un des intérêts majeurs de cette unité», souligne son responsable.
Pour les cas sévères nécessitant une hospitalisation, l'équipe bute sur le manque de structure : il n'existe que dix lits d'hospitalisation pour adolescents dans toute la région Nord - Pas-de-Calais ! Et ils sont constamment pleins ! D'ici à deux ans, la situation devrait s'améliorer car une unité spécifique doit ouvrir ses portes à Wasquehal, près de Lille, avec dix lits temps plein et dix lits d'hospitalisation de jour. L'UFA pourra alors répondre de manière plus adaptée aux situations de crise des adolescents.
* Unité fonctionnelle pour adolescents, site Ulysse-Trélat, 76, rue de Lambersart, 59871 Saint-André-lez-Lille. Tél. 03.28.38.51.14.
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