DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
SI LA MALADIE ne connaît pas les frontières, les systèmes de santé sont intimement liés aux histoires politiques et aux représentations socioculturelles de chaque pays. Les participants au 9e congrès de l'Association européenne de soins palliatifs, réunis à Aix-la-Chapelle, en ont fait l'expérience parfois déroutante, toujours enrichissante.
Pour Michael Wright, de l'Observatoire international de soins de fin de vie (Lancaster, Grande-Bretagne), on retrouve dans les différents pays d'Europe des problématiques communes : accès aux opioïdes, remboursement de soins, mise en place de protocoles et, au plan éthique, les questions de l'euthanasie et du suicide assisté. Les problèmes rencontrés sont similaires : manque de moyens financiers, méconnaissance des soins palliatifs par les professionnels comme par le grand public, manque de formation, prise en charge insuffisante de la douleur. Les soins palliatifs connaissent néanmoins des développements importants dans tous les pays d'Europe depuis la Grande-Bretagne, pionnière dans le domaine, jusqu'aux pays d'Europe de l'Est, dont les professionnels se sont déplacés en nombre. Malgré cela, les différences culturelles et socio-économiques modèlent les solutions retenues dans chaque pays : par exemple, suivant les niveaux de remboursement, le maintien à domicile reviendra (pour les patients) plus cher ou moins cher que l'hospitalisation. « On a voulu faire une conférence de consensus sur la sédation, mais il n'y avait aucun consensus ! », relève le Pr Lukas Radbruch, président du congrès. De même, certains pays comme la France ont des unités spécifiques de soins palliatifs, tandis qu'en Allemagne ils sont souvent pratiqués dans des hospices dédiés, et qu'en Grande-Bretagne ils doivent obligatoirement être intégrés dans certains services comme la cancérologie, sous peine de non-remboursement des soins. Une chose est sûre, pour le Pr Radbruch : « Si cette société veut la possibilité de mourir dans la dignité, cela coûtera de l'argent. »
Une certaine vision du monde.
Point essentiel quand on aborde la question de la mort, les différences culturelles ont été au cœur de nombreuses interventions. « La spiritualité est l'une des quatre dimensions du soin palliatif (les autres étant les dimensions physique, mentale et sociale), a rappelé Monika Müller, formatrice et psychologue allemande, tout programme de formation doit donc l'inclure. » Mme Müller informe ses élèves sur les différents rituels de deuil et les invite à s'interroger sur leurs propres représentations, étape nécessaire pour arriver ensuite à détecter les demandes spécifiques des patients sans les modeler avec ses croyances personnelles. Elle incite à être attentif au moment précis où l'on sort de la chambre, lorsque le patient vous rappelle par un « au fait... » immanquablement suivi d'informations cruciales qui n'ont pas été dites lors de l'entretien.
Responsable du soutien aux familles dans un établissement britannique, Pam Firth évoque le travail thérapeutique à effectuer auprès des proches pour comprendre ce qui se joue dans le décès de l'un des leurs : répétition d'histoires passées, rupture d'un système de croyances, difficulté à accepter des décès à répétition, etc.
Le Dr Anna Ouranska estime que « les patients en général acceptent mieux l'idée de mourir que les familles ou les médecins ». Dans son établissement, les patients sont adressés au spécialiste de soins palliatifs dès l'annonce du diagnostic pour une consultation douleur. Le suivi est très régulier et, le moment venu, la prise en charge palliative se fait dans la continuité avec des praticiens connus du patient et de la famille, qui ne les considèrent pas comme « les docteurs des mourants » - un atout psychologique important.
Enfin, l'une des interventions les plus remarquées a été celle de Daniela Mosoiu (Roumanie), qui s'est intéressée aux limites du modèle occidental des soins palliatifs lorsqu'il s'adresse à des personnes issues d'autres cultures. Elle a rappelé que « 80 % des gens sur Terre meurent jeunes, dans les pays en développement », loin de l'Occident et de ses représentations de la mort, de la souffrance et des rôles sociaux. Pour elle, la mort est perçue aux Etats-Unis comme un « problème biologique qui doit être résolu », tandis que la culture orthodoxe enseigne « Rappelle-toi que tu vas mourir » ou que d'autres cultures (Japon, Indiens d'Amérique) sont réticentes à en parler. De même, la notion d'autonomie, érigée en principe éthique en Occident, n'est pas pour tous une valeur essentielle car elle peut s'opposer au principe de famille ou de communauté. Daniela Mosoiu oppose également les cultures où l'on « dit » (révéler sa maladie au patient, annoncer un pronostic défavorable, ce que l'on conseille dans le modèle occidental) et celles où l'on « ne dit pas » (Espagne, Italie, Russie, Japon, Europe du Sud-Est) et où il peut même être nocif de trop en dire. La communication étant essentielle dans le soin, notamment parce qu'elle est liée au consentement, une réflexion éthique sera nécessaire sur les limites de notre « vision du monde ».
Soulager la douleur
La prévalence de la douleur chronique varie beaucoup (de 11 à 30 %) d'un coin à l'autre de l'Europe en fonction de ses acceptions. Elle est cependant toujours au centre des préoccupations et insuffisamment prise en charge.
Le site www.douleur-online.fr (Laboratoire Grünenthal) propose des formations et des outils pratiques. Notamment de petits programmes informatiques seront bientôt téléchargeables :
- une échelle en étoile (DEG) de la douleur incluant soulagement, anxiété et dépression, téléchargeable sur Palm ;
- une aide à la prescription d'antalgiques pour les enfants (Apaeg) en DCI à partir de fiches Vidal (vers mai-juin) ;
- un « convertisseur d'opioïdes » en fonction des recommandations de bonnes pratiques (septembre).
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