ALORS QUE REVIENT sur le devant de la scène le débat sur l'instauration d'un service minimum dans les transports - le ministre de l'Equipement et de l'Aménagement du territoire, Gilles de Robien, reçoit depuis mercredi les partenaires sociaux à ce sujet ; il espère faire aboutir le dossier « dans les mois qui viennent » -, les regards se tournent volontiers vers l'hôpital. Un service public à part, où la grève est fréquente et parfois très spectaculaire bien que le service minimum y soit de mise.
Quand un mouvement social menace de dysfonctionnements l'institution - elle est prévenue au moins cinq jours à l'avance, dépôt de préavis oblige -, les directeurs d'hôpital assignent médecins et personnels nécessaires à la continuité des soins ; l'hôpital marche au ralenti mais il marche. La règle est incontestable et incontestée, même par les tenants purs et durs du droit de grève. Car la vie et la mort sont en jeu.
« C'est d'une logique imparable, résume le Dr Pierre Faraggi, qui préside la Confédération des hôpitaux généraux : en tant que syndicaliste, je suis un fervent défenseur du droit de grève ; en tant que médecin, responsable d'une équipe soignante, je pense évidemment que le service de soins ne peut pas s'arrêter. »
Même analyse du côté des personnels hospitaliers : « Il ne viendrait à l'esprit d'aucun d'entre nous de se dire "puisque je suis en grève, je ne viens pas travailler, je ne m'occupe pas de mes malades" », explique la secrétaire générale de la fédération santé de la Cfdt, Yolande Briand.
C'est donc la plupart du temps en bonne intelligence que quand la situation l'exige, le service minimum - et parfois plus, des grévistes non assignés pouvant venir travailler de leur propre chef - est assuré dans les hôpitaux par les médecins, les personnels médicaux et non médicaux, à la demande des directions. « Ça n'a jamais vraiment posé de problème », confirme Jean-Olivier Arnaud, président du Syndicat national des cadres hospitaliers (Snch). Les conditions de mise en œuvre, inscrites dans les règlements intérieurs, sont propres à chaque établissement. Discutées en CTE (comité technique d'établissement), elles sont en général calquées sur l'activité du dimanche, en tout cas pour les services de soins puisque d'autres (le bureau des entrées, le service de nettoyage...), qui n'existent pas les jours fériés, peuvent avoir à fonctionner malgré tout en cas de grève (ce que contestent parfois les syndicats locaux). « Il s'agit d'arrêter l'effectif minimum, de distinguer les services qui peuvent s'arrêter et ceux qui doivent continuer, schématise Jean-Olivier Arnaud, en précisant que les choses peuvent varier en fonction de la durée des mouvements de grève. La blanchisserie, par exemple, peut s'arrêter un jour, pas une semaine. »
Le meilleur et le pire.
Trois mille hôpitaux, trois mille recettes de service minimum. Le principe de la définition locale de « l'hôpital à petit régime » fait que toutes les situations se rencontrent. « La réalité est très différente d'un établissement à l'autre. Il y a des directions conciliantes ; il y en a où l'on réquisitionne à tour de bras et où le service minimum ressemble beaucoup à une remise en cause du droit de grève », estime la secrétaire générale de la fédération santé de la CGT, Nadine Prigent. Plus remontée encore, la responsable de SUD Santé-sociaux, Irène Leguay, n'hésite pas, elle, à évoquer des « utilisations frauduleuses » du service minimum : « On en use et on en abuse depuis des années, accuse-t-elle, pourquoi donc arrive-t-il que, comme par hasard, les hospitaliers soient plus nombreux en poste les jours de grève que les jours normaux ? Pourquoi n'y a-t-il quasiment jamais de discussion, comme ce devrait être le cas, sur l'organisation du service minimum au moment où les préavis de grève sont déposés ? C'est une façon de mettre tout à coup un baillon aux salariés. » Premier hic. Immédiatement suivi d'un second, sur lequel se retrouvent l'ensemble des syndicats de la fonction publique hospitalière : le manque de moyens des hôpitaux. « Il n'est pas rare, explique Yolande Briand (Cfdt), que l'effectif minimum prévu dans le règlement intérieur corresponde à l'effectif ordinaire des hôpitaux. Pour caricaturer : on a un peu l'impression, à l'hôpital, d'être au service minimum en permanence ». Nadine Prigent (CGT) renchérit : « Sans parler du débat sur la qualité du dialogue social, ce qui est en jeu, avec le service minimum, c'est la continuité du service public. Mais est-on, aujourd'hui, alors que les listes d'attente s'allongent, capable de l'assurer à l'hôpital ? Moi, je dis que non. On est déjà "out" ». Quid, dans ces conditions, du service minimum ? Irène Leguay (SUD) est sans appel : « Intervenant dans un contexte de pénurie, il est vécu comme une entorse au droit de grève. »
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