Unité de soins pour sourds

L'expérience de Rennes

Publié le 23/03/2005
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DE NOTRE CORRESPONDANT

CENT SOIXANTE ET UNE consultations effectuées auprès de personnes sourdes les cinq premiers mois de fonctionnement, 488 en 2004. L'unité d'accueil et de soins pour personnes sourdes créée en avril 2003 au Chru de Pontchaillou, à Rennes, fonctionne désormais au maximum de ses capacités. C'est-à-dire seulement huit heures par semaine, réparties en deux journées, pour accueillir le public. Les quatre professionnels qui forment l'équipe* ne totalisent que 2,5 équivalents temps-plein. Le Dr Isabelle Ridoux, médecin généraliste et conceptrice du projet, est elle-même à 60 %. Mais le service, qui compte depuis novembre dernier une psychologue sourde - cas unique dans les pôles santé-surdité -, monte en puissance. Il est encore récent. Et, surtout, il est déjà en mesure d'être opérationnel, ce qui n'est pas le cas des quinze unités de ce type théoriquement créées au niveau national. Celles de Montpellier, de Nancy et de Nantes ne fonctionnent pas. Faute de professionnels formés.
Le Chru de Pontchaillou peut donc se satisfaire d'avoir désormais en son sein l'un des quinze médecins généralistes signeurs qui exerceraient en France. Le Dr Isabelle Ridoux, auparavant médecin aux Thermes de Saint-Malo, a entrepris l'apprentissage de la langue des signes « par goût ». Et ce sont des personnes sourdes rencontrées pendant sa formation qui lui ont parlé de ces unités. A force de démarches et de réunions avec l'Agence régionale d'hospitalisation de Bretagne, qui a bien accueilli son projet, le Dr Ridoux a pu ouvrir ce service. La localisation sur le site même du Chru rennais permet de bénéficier d'un plateau technique complet. Un outil primordial tant la situation médicale des personnes reçues demande plusieurs consultations spécialisées.
« En général, la première consultation part dans tous les sens, explique le médecin. Il faut donc prendre le temps nécessaire. En moyenne une heure. Souvent, je suis amenée à retracer le parcours de soins, à entrer en contact avec d'autres établissements pour recueillir certaines informations. La plupart du temps, les patients arrivent sans dossier médical. Beaucoup de ceux qui présentent une pathologie chronique sont en situation de rupture de soins, simplement parce qu'ils n'avaient pas bien saisi l'importance d'un suivi régulier. » Pour d'autres, ce sera au contraire une surabondance de soins, liée à une grande errance médicale.
« Les personnes sourdes rencontrent des difficultés à exprimer les symptômes », ajoute-t-elle.

De nouveaux signes.
Mais le professionnel a également du mal à expliquer une maladie, d'où le recours à plusieurs moyens de communication. « En plus de la langue des signes, j'utilise beaucoup un panneau sur lequel je dessine, précise le Dr Ridoux. Et je participe à un groupe de recherche composé de soignants et de linguistes pour améliorer la communication. Par exemple, nous allons chercher de nouveaux signes pour expliquer, dans le cas de pathologies infectieuses, s'il s'agit d'une bactérie, d'un virus, d'une mycose, car il n'existe pas de signes distinctifs pour ces mots. Nous avons travaillé aussi à mieux expliquer les différents diabètes ou la maladie d'Usher, qui touche surtout les personnes sourdes et qui peut entraîner une malvoyance. »
Dans l'unité rennaise, la présence de Morgane Robert, aide-soignante sourde, permet de compléter les moyens de communication. Elle assiste aux consultations du Dr Ridoux pour s'assurer que le patient a bien compris les informations ; elle accompagne ces personnes lors de leur hospitalisation pour faire le lien avec l'équipe soignante et elle est à l'origine de plusieurs outils novateurs. Une fiche pour contacter le Samu en cas d'urgence est en cours de diffusion. Respectant le protocole interne au Samu, la feuille à faxer propose une signalétique simple, avec pour chaque situation un problème (respiratoire, au cœur...), un dessin et une interrogation.
L'une des missions de l'unité est d'organiser un réseau régional de soins. Logiquement, la majorité des patients viennent d'Ille-et-Vilaine. Mais un certain nombre viennent des autres départements bretons. Ce qui n'est pas pratique, ni possible pour tout le monde. Le Dr Isabelle Ridoux essaie donc de recenser tous les professionnels de santé bilingues pour faciliter la prise en charge. Mais ils sont peu nombreux. Ou ne sont pas encore connus.

Contact : 02.99.28.37.30/ isabelle.ridoux@chu-rennes.fr.
* En relation étroite avec l'équipe soignante, cinq interprètes bilingues interviennent lors des consultations spécialisées.

Une association médiatrice

En Loire-Atlantique existe une association unique en France. Fais-moi signe assure la médiation auprès de personnes sourdes et malentendantes adultes. Un médiateur bénévole peut intervenir pour éviter les conflits qui peuvent naître de la difficulté de communication dans les situations de la vie quotidienne. Une consultation ou une hospitalisation peut être source d'inquiétude pour la personne sourde. « Dernièrement, nous sommes allés expliquer à une personne comment allait se dérouler son opération à coeur ouvert, explique Hubert Chalet, le médiateur. Nous lui rendrons visite quand elle sera hospitalisée. »

Renseignements au 02.51.83.05.05.


> OLIVIER QUARANTE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7715