DEPUIS LA MISE EN PLACE fin 2002 de l'Observatoire national des professions de santé (ONDPS) dont il est le président, le Pr Yvon Berland livre régulièrement son rapport sur l'état des lieux de la démographie.
Sa troisième édition, remise officiellement hier à Roselyne Bachelot, fait le point sur la question, dans un contexte quelque peu agité par les menaces récurrentes sur la liberté d'installation.
Sur un plan général, il y avait en France 972 230 professionnels de santé au 1er janvier 2007. Entre 2000 et 2007, leur nombre a augmenté en moyenne de 20,3 %, mais ce chiffre cache d'importantes disparités entre les professions. En effet, si au cours de cette période le nombre de médecins a crû de 7,3 % et celui des dentistes de 2,2 %, celui des opticiens a crû par exemple de 712 % et celui des ergothérapeutes de 56 %.
De moins en moins de généralistes de premier recours.
Mais, au sein-même des médecins, les progressions sont hétérogènes selon le mode d'activité et la spécialité : sur la période 1995-2005, précise ainsi le rapport, on constate une augmentation globale de 10,8 % du nombre de médecins, mais qui a surtout bénéficié aux médecins spécialistes et au secteur salarié. En effet, une analyse détaillée fait apparaître que les effectifs des spécialistes ont progressé au cours de cette période de 14,8 %, contre 6,9 % pour les généralistes. Et pour l'ensemble des médecins sur la même période, l'augmentation des effectifs est de 4,4 % en secteur libéral, de 18,7 % pour les salariés hospitaliers, et de 28,9 % pour les salariés non hospitaliers. «L'attrait pour le salariat, note le rapport, semble en fait une tendance déjà installée.» Autre tendance mise en évidence dans le rapport, «un grand nombre de médecins diplômés de médecine générale n'exerce pas la médecine de premier recours». Si, au 1er janvier 2007, les effectifs de diplômés de médecine générale étaient de 107 073 selon le fichier de l'Ordre des médecins (mais de 104 007 selon le fichier ADELI), seuls 61 529 exercent en libéral, et 56 757 en médecine générale de premier recours. Parmi eux, 27,7 % ont 55 ans et plus, avec certains départements comme l'Ariège, l'Aveyron ou le Lot-et- Garonne, dans lesquels cette proportion peut atteindre jusqu'à 38 %.
Le rapport réserve ensuite de nombreuses pages sur les professionnels du diagnostic du cancer (relative abondance au sud et professionnels moins nombreux et plus âgés au nord) et de la périnatalité.
Il insiste sur le fait que, pour la périnatalité, par exemple, qui suppose l'action conjuguée de plusieurs professionnels (gynéco-obstétriciens, sages-femmes, pédiatres, puéricultrices, anesthésistes, gynécologues médicaux et médecins généralistes), la baisse des effectifs d'une seule de ces disciplines dans une région peut à elle seule compliquer l'accès aux soins de toutes les femmes enceintes de cette région.
L'avenir de la démographie des médecins repose en bonne partie sur le relèvement du numerus clausus effectué depuis le début des années 2000. Mais ce relèvement ne commencera à porter ses fruits que d'ici à quelques années et ne permet pas mécaniquement, à lui seul, d'assurer une régulation géographique. Le rapport fait ainsi le point sur le nombre d'internes région par région. On apprend ainsi que si la Réunion a une densité d'internes de 1,2 par tranche de 10 000 habitants, cette densité passe à 1,7 pour la région Centre, à 2,3 pour la région PACA, à 2,8 pour la Basse-Normandie et à 3,2 pour l'Alsace (2,5 pour l'ensemble de la France). «Peu de régions disposent d'une vision prospective de la situation démographique des internes conclut le rapport sur ce sujet, c'est pourquoi l'augmentation du nombre d'internes entraîne aujourd'hui la nécessité de prévoir une augmentation équivalente de postes budgétaires afin de permettre leur accueil dans les services où ils seront formés.»
Les principales préconisations
Le rapport du Pr Berland se conclut par un certain nombre de préconisations :
Définir les missions des différentes professions de santé, leur coopération et leur coordination pour mieux anticiper, en fonction des besoins de la population, les numerus clausus et les quotas de formation.
Suivre régulièrement les effectifs des professionnels de santé afin d'évaluer l'efficacité des politiques mises en place.
Mieux faire connaître la médecine générale de premier recours auprès des étudiants, l'objectif étant de former des médecins qui exerceront la médecine générale de premier recours et pas simplement des médecins titulaires du diplôme de médecine générale.
Définir dans le code de la santé publique les missions du médecin généraliste de premier recours.
Donner des garanties de pérennité à l'exercice regroupé.
Adopter une démarche pluriannuelle de répartition des internes, appuyée sur des analyses régionales. Ce diagnostic régional doit être confié aux comités régionaux de l'ONDPS dont le périmètre d'action doit être élargi.
Favoriser les stages en dehors des CHU et des CH, au sein des établissements privés à but lucratif ou non.
Envisager une augmentation du numerus clausus régionalisé.
Augmenter significativement les horaires du stage actif dans un cabinet libéral.
Développer l'accès à une meilleure connaissance des différentes formes d'exercice et des missions des différentes structures lors de la formation initiale.
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