VOLS, violences physiques ou morales, l’hôpital n’est plus, depuis une décennie, imperméable à la délinquance. En 2005, on recensait 2 500 actes de malveillance dans les hôpitaux de l’AP-HP, avec 184 atteintes aux personnes, 350 dégradations de matériel et 2 215 vols. Ces voies de fait inquiètent les professionnels de santé. Si certains services avaient été indiqués comme des terrains à risques compte tenu de leurs spécificités – essentiellement les services d’urgences et les unités de psychiatrie –, la situation semble s’être répandue à tous les étages de l’hôpital et à toutes les zones, urbaines et rurales.
«Devant la généralisation des agressions, un climat d’insécurité s’est installé chez les agents de santé», constate Maurice Toullalan. Le médecin sait de quoi il parle. Le centre hospitalier qu’il dirige, en pleine banlieue difficile à Argenteuil (Val-d’Oise), lutte quotidiennement contre l’emprise de la rue dans ses couloirs. Un combat dans lequel la police a son rôle à jouer.
Habituellement, l’hôpital voit d’un mauvais oeil l’arrivée des forces de l’ordre dans ses services. «La police et l’hôpital ne se comprennent pas forcément, constate Roselyne Pagny-Leclerc, commissaire à Argenteuil. Le secret professionnel est encore une barrière à leur bonne entente.» Et la divisionnaire rappelle l’accueil fait aux gardiens de la paix dès qu’ils tentent de glaner des informations pour des enquêtes auprès des professionnels de santé.
C’est pourtant en établissant une convention commune que le CH d’Argenteuil et sa police ont pu réduire la délinquance au sein de l’hôpital et rétablir la confiance chez les agents de santé. Récemment, un trafic de stupéfiants a pu y être démantelé. «On a autorisé les rondes des policiers dans les voies privées du CH», précise M. Toullalan. Un cas qui pourrait faire des émules.
Pas d’antiflics ni de cow-boys.
«On a défini ensemble un protocole de huit pages cadrant les situations selon le droit et les contraintes hospitalières. Face aux obligations des uns et des autres, on a trouvé des solutions. Notre attitude “antiflics” a disparu et on observe de moins en moins chez les agents de police le côté “cow-boy” tant redouté», confie M. Toullalan.
«Souvent, l’agent de santé est réticent à l’idée de porter plainte contre un patient. Il met la violence sur le compte des vicissitudes du métier et préfère tout oublier», indique de son côté l’avocat Laurent Houdart, spécialiste du droit hospitalier. D’autant que, si le praticien porte plainte, il doit dévoiler sa domiciliation. Une perspective dissuasive pour les professionnels de santé qui craignent les représailles. Pour faciliter les démarches légales, des aménagements ont ainsi été apportés : «Dorénavant, le domicile de nos professionnels de santé, c’est le CH d’Argenteuil», indique M. Toullalan. Entre autres facilités, le praticien est immédiatement reçu au commissariat s’il veut porter plainte.
La réflexion sur la violence porte enfin ses fruits : amorcée en octobre 1999 par la direction des Hôpitaux avec le comité de pilotage sur la prévention des situations de violence dans les établissements de la fonction publique hospitalière, elle s’est poursuivie par la circulaire du 15 décembre 2000 « Prévention et accompagnement des situations de violence ». En août 2005, un protocole d’accord a été signé entre les ministères de l’Intérieur et de la Santé pour l’amélioration de la sécurité hospitalière. Une situation aménagée depuis des années à Argenteuil, laboratoire de coopération médico-légale.
* Association nationale pour la formation permanente des personnels hospitaliers, www.anfh.asso.fr.
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