Au niveau national, les statistiques ne permettent pas de constater clairement l'évolution de la couverture du dépistage du cancer de l'utérus. Néanmoins, selon l'échantillon généraliste des bénéficiaires pour la France entière (données des Caisses d'assurance-maladie ne comprenant pas le dépistage réalisé à l'hôpital), 58 % des femmes ciblées par ce dépistage (celle de 25 à 65 ans) étaient couvertes pour la période 2003-2005, contre 56,6 % entre 2006-2008. « Cela représente une baisse significative du nombre de patientes couvertes par ce dépistage », indique le Pr Jean-Jacques Baldauf, président de l'association EVE qui gère la campagne de dépistage du cancer du col de l’utérus en Alsace. Un signal d'alarme reconnu par la Haute Autorité de santé en 2010, puis, dans le cadre du Plan Cancer et, plus récemment, par François Hollande. « Cette prise de conscience de la baisse du dépistage du cancer du col de l'utérus en France a mené les autorités à s'engager pour un dépistage organisé du cancer du col de l’utérus (tous les 3 ans et pour les femmes de 25 à 65 ans). Celui-ci devrait être effectif en 2019 », précise le Pr Baldauf.
Ce dépistage organisé est expérimenté en Alsace depuis 1994 (1) avec deux grands objectifs : faire participer un maximum de femmes de 25 à 65 ans et assurer la qualité à toutes les étapes de cette démarche : prélèvement, interprétation du frottis cervicovaginal, prise en charge diagnostique et traitement, si nécessaire. « Ces deux objectifs sont essentiels pour permettre la réduction de la mortalité lié au cancer du col de l'utérus », note le Pr Baldauf.
Des stratégies pour contrer la baisse du taux de couverture
Depuis 1994, le taux de couverture du dépistage organisé en Alsace a beaucoup varié. C'est entre 2006 et 2008 qu'il a enregistré son taux maximal (82 % des femmes de la région avaient bénéficié d'un frottis). « Le dépistage organisé nous permet d'avoir la certitude que toutes les femmes concernées reçoivent une lettre d'invitation de la part de l'Assurance-maladie à effectuer un frottis ainsi qu'une lettre de relance (un an plus tard) si le frottis n'a pas été réalisé », ajoute le Pr Baldauf. Ces actions ont permis d'atteindre une couverture du dépistage à 5 ans supérieur à 82 % chez les femmes en Alsace. Un très bon résultat, comme cela est déjà le cas dans les pays scandinaves. « Dès 2009, nous avons, par contre, constaté une baisse du taux de couverture du dépistage du col de l'utérus en Alsace. En 2012, ce taux était tombé à 78 % . La crise économique explique très certainement cette baisse car lorsque les difficultés financières sont trop importantes, la santé et la prévention ne sont plus des priorités pour la population. Pour contrer cette tendance, nous avons mobilisé les médecins traitants et les médias locaux (via des campagnes de communication radio). Grâce à leurs efforts, nous avons réussi à remonter le niveau de couverture du dépistage à 81 % (un taux qui reste légèrement inférieur à celui des années 2006-2008) », souligne le Pr Baldauf.
Une nette diminution des cancers avancés
D'après l'InVS (2), le dépistage organisé mené en Alsace a permis de diminuer la mortalité induite par le cancer du col de l'utérus de 19,6 % et donc, de sauver entre 10 et 15 vies chaque année. Quant au coût du dépistage, il s'élèverait qu'à 1,04 euro par an et par femme. « Le médecin doit rester au cœur du dispositif de dépistage. Notre taux maximal de couverture (82 % pour 550 000 femmes) est très satisfaisant mais il laisse tout de même 18 % de patientes (soit 100 000 femmes) sur le bord de la route. Or c'est justement chez ces 18 % de femmes que se trouvent la grande majorité des cancers avancés du col de l'utérus. De multiples facteurs expliquent que ces dernières échappent au dépistage organisé (problèmes économiques, niveau éducatif peu élevé, désocialisation…). Leur inclusion dans le système de dépistage organisé doit se faire individuellement par le biais des relais sociaux et des médecins traitants. Le dépistage organisé du cancer n'évite pas la survenue de tous les cancers mais il augmente la proportion de cancers débutants au détriment des cancers avancés », conclut le Pr Baldauf. Une belle victoire en matière de politique de santé publique.
(1) Cette action est menée par la structure de gestion telle que l’association EVE en Alsace.
(2) Étude médico-économique menée par l’InVS et le CRESGE pour le rapport de la HAS de 2010 sur le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus
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