UN SCÉNARIO qui pourrait expliquer le déclenchement et la persistance des maladies auto-immunes est proposé par des Français. L’équipe, composée de chercheurs de l’Inserm (U802 et U567) et de l’hôpital Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre), vient d’impliquer l’interféron dans ces affections à partir de travaux portant sur la maladie de Gougerot-Sjögren. Effectivement, cette affection, qui atteint de 0,1 à 0,2 % de la population, constitue en fréquence la deuxième affection auto-immune touchant plusieurs organes. Elle est considérée comme le modèle de ces maladies.
L’équipe française a effectué des prélèvements dans les organes concernés par l’affection (tissu salivaire et oculaire). Une comparaison a été faite par rapport à des témoins sains. L’objet était d’étudier la chaîne conduisant à la sécrétion d’interférons. Grâce à des puces à ADN, les chercheurs ont déterminé l’expression des gènes liés à la présence des interférons. Chez les sujets atteints du syndrome de Gougerot-Sjögren, ces gènes sont surexprimés. Comme les interférons sont impliqués dans la défense contre les infections virales, les Français ont recherché la présence des cellules dont le rôle est de sécréter ces interférons après une infection, qu’elle soit bactérienne ou virale : les cellules dendritiques plasmacytoïdes. Alors qu’elles existent bien dans le tissu salivaire des malades, elles sont absentes chez les sujets témoins. L’implication des interférons se confirme dans ce syndrome, comme elle l’a été récemment dans le lupus érythémateux disséminé.
Un facteur environnemental initial.
Des facteurs génétiques et environnementaux sont suspectés de longue date dans les maladies auto-immunes. Ce qui conduit les chercheurs à proposer l’hypothèse suivante : un facteur environnemental initial, probablement une infection virale, conduit à la sécrétion d’interférons. En présence de facteurs de risque génétiques, cette sécrétion active le système immunitaire. Les organes cibles sont alors agressés et l’agression, entretenue.
L’intérêt de cette découverte repose sur la mise au point de nouvelles thérapeutiques contre ces maladies auto-immunes. Il pourrait s’agir de molécules bloquant l’action des interférons, dont certaines sont en cours d’essais cliniques. Mais la situation se complique lorsqu’on se souvient du rôle de ces protéines dans la défense contre les infections. Le blocage pourrait entraîner une majoration du risque infectieux, voire une diminution des défenses anticancéreuses. Les auteurs rappellent à ce propos l’utilisation de ces molécules dans le traitement de l’hépatite C ou du mélanome.
Le choix entre traiter une maladie auto-immune et risquer un cancer ne devrait toutefois pas exister. L’avenir repose plutôt sur des molécules susceptibles d’inhiber non les interférons eux-mêmes, mais les molécules qu’ils induisent. Une cible pourrait être la cytokine BAFF (B-cell Activating Factor of the TNF Family) impliquée dans plusieurs maladies auto-immunes.
Gottenberg Jacques-Eric et coll. « Proceedings of the National Academy of Sciences », 21 février 2006, vol. 103, n° 8.
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