Dans un communiqué, Gérard Bapt, ancien député de Haute-Garonne et acteur de la mobilisation dans l’affaire Médiator (Laboratoires Servier) salue le rapport de la mission d’information sur le médicament (G. Kierzek et M. Léo) pour ses deux intérêts majeurs :
Il renvoie à leurs études les leaders d’opinion, les « professeurs Nocebo », ainsi que la « mission flash » de l’Assemblée nationale, qui avaient étiqueté la crise sanitaire comme « crise médiatique » Il pointe la responsabilité de l’ANSM pour défaut d’information d’une part, pour sa passivité devant les signaux d’alerte innombrables émis par les patients d’autre part.
Les propositions faites par la mission Kierzek-Léo si elles méritent examen ne semblent représenter que l’écume des faits. Une meilleure information sur le médicament ne rétablira pas la confiance si elle reste sous le seul contrôle de l’ANSM et du ministère de la Santé. La démocratie sanitaire et l’écoute des patients ont cruellement fait défaut dans la crise, quand il ne s’agissait pas de mépris pour les associations qui avaient alerté, sans succès, depuis le départ.
N’apparaît pas dans ce rapport l’exigence de transparence concernant le médicament, notamment sa traçabilité au moment où l’on vient d’assister aux Etats-Unis et en UE à des retraits en urgence de spécialités produites pour partie en Chine.
Vouloir enfin améliorer le « repérage des signaux d’alertes faibles » pourrait prêter à sourire, s’agissant d’une crise générant un record historique d’alertes avant même que la presse ne s’en saisisse. On peut tabler sur 1 million de cas soit près de 30 % des patients qui se sont vus prescrire le Levothyrox nouvelle formule.
Il est consternant que huit ans après les réformes « post-Mediator », la ministre convoque en urgence une conférence de presse pour annoncer la fusion de 2 sites officiels existants. Sur le fond, il est navrant que certains acteurs n’aient jamais été consultés qui représentent les concernés au premier degré alors qu’Open Health, étranger au sujet, l’a été. Il relève de l’argutie politique de centrer la demande sur les défauts de communication – connus de tous – plutôt que de s’attacher à la recherche des causes réelles par une infantilisation des citoyens-patients. Dès lors, le rapport Kierzek-Léo n’avait plus aucun intérêt sinon celui de servir la défausse politique. Comme souvent ?
Les mauvaises langues pourraient soupçonner les deux rapporteurs de la mission d’information d’avoir fait montre de « souplesse » ou d’amateurisme coupable devant tant de superficialité ou de partialité. D’ailleurs, la réaction de la presse est assez unanime pour au mieux s’étonner ou au pire renvoyer lesdits rapporteurs à plus de sérieux. (Figaro, Les Jours, Dépêche du Midi, Parisien, etc.) On ne déchire l’ombre du doute qu’à ses dépens.
La crise du Levothyrox représente de fait une défaillance structurelle de notre système d’évaluation et de surveillance du médicament qui appelle une réaction et une action structurelle. L’ANSM n’a à l’évidence pas fait ce pourquoi elle est missionnée et des conclusions doivent être tirées sur les méthodes, les Hommes et s’interroger sur leurs liens.
Restent les interrogations majeures sur cette crise, qui n’ont toujours pas trouvé de réponse :
Valait-il la peine d’avoir décidé le transfert obligatoire du Levothyrox vers son « generique-like », nouvelle formulation, en mars 2017, alors que la situation de monopole de Merck aurait dû conduire aux plus grandes précautions et que la situation sanitaire était stable et sous contrôle ? Pourquoi l’ANSM refuse-t-elle depuis des mois la mise en place d’un groupe de travail scientifique indépendant pour comprendre au fond pourquoi deux tiers des victimes des effets indésirables étaient en équilibre avec une TSH normale ?
Avec la sénatrice Laurence Cohen, vice-présidente de la Commission des affaires sociales de la Haute Assemblée, il serait temps qu’une commission d’enquête parlementaire se mette en place pour analyser, au fond, une crise sanitaire qui a conduit les malades à changer massivement de spécialités. En effet, selon les chiffres de l’assurance maladie (SNIRAM), le nombre de boîtes délivrées est passé de 17,5 millions au second semestre 2016 à 9,5 millions au premier semestre 2018.
Peut-être les patients colligés avec des chercheurs trouveront-ils les preuves de ce désastre sanitaire et mettront-ils les décideurs et autres rapporteurs devant leur incurie ?
Jean-Pierre Blum, expert auditeur près la Commission européenne.
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