DE NOTRE CORRESPONDANTE
PARLER aujourd'hui d'incontinence anale reste sans doute aussi difficile que cela le fut d'évoquer l'incontinence urinaire il y a trente ans. Cette pathologie, qui se caractérise par l'impossibilité de retenir l'émission de gaz et/ou de selles, est jugée dégradante et honteuse. Elle est pourtant « sous-estimée et insuffisamment prise en charge », constate le Dr Henri Damon. Ce spécialiste, qui exerce dans le service d'exploration digestive de l'hôpital Edouard-Herriot (HEH), a contribué, il y a quatre ans, à la création d'une base de données sur l'incontinence anale. Puis, afin de mieux appréhender cette pathologie, un observatoire financé par le Programme hospitalier de recherche clinique et impliquant des équipes d'HEH, du CHU de Grenoble et de Saint-Etienne, a été mis en place à Lyon, il y a dix-huit mois, sous l'acronyme Oralia*.
Qualité de vie altérée.
En parallèle, l'équipe lyonnaise a fait mûrir l'idée d'un réseau de soins. Pour justifier la création d'un tel réseau, les financeurs potentiels ont néanmoins demandé que la prévalence de cette pathologie en Rhône-Alpes soit dûment évaluée. Sous la houlette de l'observatoire régional de la santé (ORS), une étude à deux volets portant sur la population générale et sur les consultants en médecine libérale a donc été élaborée. C'est à l'issue de la première enquête postale, effectuée à partir d'un échantillon de 2 800 personnes tirées au sort sur les listes électorales, qu'une prévalence de l'incontinence anale de 5,2 % a été rapportée. Ce résultat, « encore non publié », précise l'ORS, rejoint les chiffres déjà avancés par des enquêtes similaires conduites au Royaume-Uni et en Suède. Du côté de l'Oralia, qui inclut désormais 198 patients, une récente étude descriptive de la population, réalisée sur 148 personnes, indique que, si la moyenne d'âge est de 54 ans, toutes les tranches d'âge sont concernées et dès 22 ans. En outre, 30 % des patients disent mal surmonter les problèmes quotidiens et 25 % précisent que la maladie a perturbé leurs relations avec les autres. « Une autre étude est aujourd'hui en cours sur les attitudes d'ajustement au stress, précise le Dr Damon. Elle permettra de savoir comment cette incontinence les gêne dans leurs sorties, chez les amis, la famille, et dans le travail. »
Dépister plus tôt.
Au-delà du projet de réseau, « le but reste de lever le tabou au niveau des patients, mais aussi du corps médical », résume ce médecin. En effet, la base de données a aussi mis en évidence que les patients, plus particulièrement les hommes, attendent souvent près de quatre ans avant de consulter. Aujourd'hui, toutes les équipes qui s'intéressent à cette pathologie semblent parvenir à la même conclusion : médecins et patients doivent en parler. D'autant que « beaucoup de personnes peuvent être améliorées, dans un premier temps, par une simple correction des erreurs diététiques », observe le Dr Damon. Dans un second temps, la prise en charge doit toutefois devenir multidisciplinaire. Et c'est là tout l'intérêt du réseau.
* Hôpital Edouard-Herriot, Pr Mion et Dr Damon, tél. 04.72.11.01.36.
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