Restaurant
Il n'existe pas d'hérédité hypertensive connue dans la famille, notamment dans la fratrie de six enfants. Cependant, son père, fumeur, est décédé d'un infarctus du myocarde à l'âge de 50 ans. Le patient déjeune en moyenne deux ou trois fois par semaine au restaurant. Il ne fait pas de sport, car il est gêné par une claudication jambière à la marche, prédominante à la jambe gauche, avec une distance de marche estimée à 200 mètres. Les contrôles successifs de la PA en consultation, en l'absence de traitement, notent les valeurs suivantes : 170/112 mmHg ; 172/106 mmHg ; 170/104 mmHg. L'ECG montre un rythme sinusal à 95 battements par minute. L'indice de Sokolov est à 44 mm. Le fond d'oeil montre un signe du croisement.
Biologie
Le bilan biologique à jeun est le suivant : natrémie = 140 mEq/l ; kaliémie = 3,4 mEq/l ; urée = 0,45 g/l ; créatinine plasmatique = 12 mg/l (106 µmol/l) ; clairance de la créatinine par la formule de Cockcroft = 91 ml/min (72 ml/min pour le poids idéal), glycémie = 1,2 g/l ; triglycérides = 1,7 g/l ; cholestérol total = 2,70 g/l, HDL = 0,47 g/l, LDL = 1,8 g/l. Devant l'anomalie glycémique, un dosage de la microalbuminurie des 24 heures est demandé. Le résultat est anormal (175 mg/24 h).
Comment évaluer le risque vasculaire de ce patient ?
Commentaire 1
En premier lieu, il faut s'assurer que les chiffres de pression artérielle observés en consultation sont bien réels.
Pour classer le risque vasculaire à dix ans, il est important de confirmer le niveau tensionnel de ce patient. En effet, selon la classification validée par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2003, si ces chiffres tensionnels élevés sont confirmés, ils correspondent au grade 2 de la maladie hypertensive (de 160 à 179 mmHg pour la pression artérielle systolique ou de 100 à 109 pour la pression artérielle diastolique) (voir le tableau).
Quels sont les risques d'erreurs de la mesure de la pression artérielle en consultation ? Les plus fréquentes sont le non-respect des cinq minutes de repos avant la mesure, un brassard non adapté à la taille du bras de cet obèse, un manomètre mal étalonné (tout manomètre devrait être vérifié une fois par an), un gonflage et un dégonflage trop rapides, une lecture insuffisamment précise, l'absence de mesure aux deux bras, l'absence de mesure en orthostatisme, l'absence de mesure de la fréquence cardiaque. Lorsqu'on observe de fortes variations de la pression artérielle entre deux consultations, lorsque les chiffres sont très élevés, alors que le patient est considéré comme à faible risque vasculaire, lorsqu'il existe de grandes différences entre les chiffres de consultation et ceux de l'automesure à domicile, pour toutes ces situations, on peut faire appel à la méthode de mesure ambulatoire (Mapa ou Holter tensionnel) qui est le « gold standard » en matière de mesure de la pression artérielle. L'automesure reste la mesure recommandée en France par la HAS pour suivre la réponse aux traitements médicamenteux et non médicamenteux de l'hypertension artérielle. La méthode de mesure recommandée est précise : position assise au calme devant une table, 3 mesures consécutives entre le lever et le petit déjeuner, et, de nouveau, 3 mesures entre le dîner et le coucher, cela pendant 3 jours consécutifs, la pression artérielle réelle étant la moyenne des 18 mesures réalisées. L'hypertension artérielle sera retenue si la moyen-ne des 18 automesures est > 135/85 mmHg. Si un Holter tensionnel est réalisé, l'hypertension artérielle est retenue si la moyenne des mesures sur 24 heures est > 130/80 mmHg.
Commentaire 2.
Savoir reconnaître les facteurs de risque vasculaire.
L'âge est un facteur de risque non modifiable… Il est pris en compte à partir de 50 ans chez l'homme et de 60 ans chez la femme. Les antécédents familiaux d'accidents cardio-vasculaires sont importants à prendre en compte. Le père de ce patient est décédé d'un infarctus du myocarde à 50 ans. Les antécédents familiaux sont pris en compte comme facteurs de risque lorsque l'infarctus du myocarde ou la mort subite survient avant 55 ans chez le père et avant 65 ans chez la mère, ou lorsque l'accident vasculaire cérébral survient avant 45 ans chez les parents de 1er degré. Le bilan biologique à jeun a découvert un diabète non traité (glycémie : 1,20 g/l). Le dosage de l'HbA1c doit permettre d'en préciser l'importance (taux normal < 6,5 %). Il n'y a pas de rétinopathie diabétique au fond d'oeil, et la microalbuminurie peut traduire aussi bien l'hyperfiltration glomérulaire liée à l'obésité, l'atteinte endothéliale liée à l'hypertension que la néphropathie diabétique débutante. Elle est à prendre en compte comme une atteinte d'organe cible (rein) et, de ce fait, entre dans l'évaluation du risque vasculaire (voir plus loin). Ce patient a également une dyslipidémie avec un cholestérol total à 2,70 g/l, une fraction LDL élevée à 1,8 g/l et une hypertriglycéridémie à 1,70 g/l. Les valeurs anormales des fractions du cholestérol sont pour la fraction HDL < = 0,40 g/l et la fraction LDL > = 1,60 g/l (en cas de fonction rénale normale). Le tabagisme actuel (20 cigarettes/jour) est un facteur de risque majeur. Il a une HVG à l'ECG avec un Sokolow à 44, représentant la deuxième atteinte d'un organe cible après la microalbuminurie. Parmi les autres facteurs de risque, on retient la sédentarité et le syndrome métabolique défini par l'obésité abdominale, avec un périmètre de 118 cm (normal chez l'homme : < 102 cm, et chez la femme : < 88 cm), l'hypertriglycéridémie, le diabète, l'hypertension artérielle.
En résumé, ce patient hypertendu cumule plusieurs facteurs majeurs de risque : vasculaire (diabète, tabac, dyslipidémie, syndrome métabolique), deux atteintes d'organes cibles (rein, avec la microalbuminurie, coeu,r avec l'HVG) et une maladie vasculaire clinique (artériopathie oblitérante des membres inférieurs).
Commentaire 3
Savoir évaluer le risque de survenue d'un événement cardio-vasculaire à dix ans.
A partir des facteurs de risque identifiés, il devient possible d'évaluer le risque de survenue d'un événement cardio-vasculaire dans les dix prochaines années. Ce risque est très élevé, et l'excès de risque (> 50 %), comparé à un sujet de même âge et qui n'a pas tous ces facteurs de risque (8 %), est multiplié par 6,5 (risque relatif).
La HAS a repris la classification des risques de l'European Society of Hypertension qui distingue trois niveaux de risque : un risque faible (< 15 %), un risque modéré (de 15 à 20 %), un risque élevé (> 20-30 %). Comme le montre le tableau, notre patient est d'emblée classé dans le groupe des patients à risque très élevé, puisqu'il a déjà une maladie cardio-vasculaire constituée (l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs ou Aomi). S'il n'avait pas cette Aomi, le risque serait également élevé, puisque son hypertension est de grade 2, qu'il est diabétique et qu'il a deux atteintes d'organes cibles (rein et coeur).
Commentaire 4
Les actions thérapeutiques pour réduire le risque cardio-vasculaire doivent être immédiatement engagées.
Le risque le plus important est celui d'un infarctus du myocarde ou d'une mortalité d'origine coronarienne dans les dix prochaines années. Il faudra obtenir rapidement, grâce à une chimiothérapie antihypertensive adaptée (un agent bloquant le système rénine-angiotensine, un inhibiteur calcique et un diurétique), une normalisation de la pression artérielle en dessous de 130/85 mmHg, contrôler le diabète, réduire le syndrome métabolique par un amaigrissement, contrôler la dyslipidémie en visant une fraction LDL du cholestérol < 1 g/l, et surtout convaincre et aider à stopper le tabagisme. En atteignant les objectifs cibles pour ces 5 facteurs majeurs de risque vasculaire, le risque absolu du patient passe de 50 à 9,8 % pour un risque idéal (lié à l'âge) de 8,10 %. L'excès de risque qui est aujourd'hui de 43 % passerait à 1,4 %. Lorsque les cinq objectifs auront été atteints.
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