LE FRONT DE LA GRIPPE A (influenza aviaire) bouge tous les jours. Et il n'est plus limité aux seuls pays d'Asie du Sud-Est où, depuis 2003, en dépit de toutes les mesures sanitaires adoptées localement (Cambodge, Chine, Corée du Sud, Indonésie, Japon, Laos, Malaisie, Thaïlande, Viêt-nam), il a entraîné la mort ou la destruction de plus de 125 millions d'oiseaux, la contamination de 92 personnes et le décès de 52 d'entre elles*. Fin juillet et début août, la Russie comme le Kazakhstan, deux pays jusqu'alors exempts de cas, rapportaient l'existence de foyers dans leurs élevages et confirmaient que l'agent causal était bien le H5N1. Initialement limitée à la Sibérie, l'épizootie s'est progressivement étendue vers l'Ouest. Selon l'OMS (bulletin n° 28), six régions administratives sont touchées par la flambée, 120 000 oiseaux en sont morts. « C'est la preuve, soulignent les experts de l'organisation, que le virus s'est propagé au-delà de son foyer initial où les flambées ont commencé ».
Son « expansion géographique est une source d'inquiétude, poursuivent les épidémiologistes, car elle augmente les risques d'exposition de l'être humain. Chaque nouveau cas humain donne au virus la possibilité d'améliorer sa transmission soit par mutation adaptative, soit par réassortiment. L'apparition d'une souche H5N1 facilement transmissible au sein de l'espèce humaine marquerait le début d'une nouvelle pandémie ».
Pour avoir été directement frappés il y a deux ans par une épizootie dévastatrice (lire encadré), les Pays-Bas ont été les premiers à renforcer le dispositif communautaire le 15 août (interdiction d'importations d'animaux ou de produits pouvant être contaminés en provenance du Kazakhstan et de la Russie) : depuis lundi, les éleveurs néerlandais doivent enfermer leurs volailles (poulets, canards, dindes et autres oiseaux) et les contingenter dans des locaux à l'abri de tout contact avec les oiseaux migrateurs en provenance de Russie et d'Asie, potentiellement porteurs de H5N1. Quelque 5 millions d'animaux sont concernés par la mesure, alors que 80 millions de volailles sont déjà élevées en batterie, pour lesquelles la situation reste inchangée.
Contrôle sanitaire à l'aéroport de Rome-Fiumicino
De leur côté, les autorités italiennes ont arrêté des mesures de contrôle sanitaire des passagers et des marchandises à l'aéroport de Rome-Fiumicino, pour les vols en provenance de Russie et de Chine. Si un passager présente des problèmes pulmonaires, il doit être immédiatement hospitalisé dans une clinique spécialisée dans les maladies infectieuses. Et les aliments d'origine aviair trouvés dans les bagages sont détruits par incinération.
A Bruxelles cependant, les autorités sanitaires refusent de céder à l'alarmisme, estimant « faible » le niveau de risque d'expansion à l'Union, tout en assurant que « la situation est suivie de près » et que « les Etats membres sont tenus de surveiller les oiseaux sauvages sur leur territoire ».
Lors de la réunion d'experts qui se déroule aujourd'hui, les responsables sanitaires des 25 devraient confronter analyses et mesures de précaution, quitte à ce que soient décidées de nouvelles mesures communautaires, en particulier pour élaborer des plans de stockage de médicaments antiviraux.
En France, les ministères de la Santé et de l'Agriculture ont saisi l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) pour mesurer le risque lié aux oiseaux migrateurs, renforcer leur surveillance et évaluer l'intérêt d'une vaccination des volailles domestiques. Dès à présent, l'agence qualifie de « faible » le risque de contamination des populations aviaires européennes par des oiseaux en provenance de Russie : les cartes migratoires montrent que les zones actuellement concernées par la grippe aviaire occidentale hébergent des oiseaux qui vont essentiellement passer l'hiver au Proche et au Moyen-Orient.
En attendant d'éventuelles mesures, un courrier de « sensibilisation et de recommandation » vient d'être adressé à l'ensemble des professions avicoles et vétérinaires. Mais une mesure de confinement à la néerlandaise parait difficile à mettre en œuvre alors que, souligne le directeur de la santé animale à l'Afssa, Philippe Vannier, 50 % des 790 millions de poulets français sont élevés en plein air.
* Source : conférence de l'OMS à Manille (mai 2005).
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