Innovation thérapeutique
APRES QUE le Pr T. F. Luescher (Zurich) a rappelé l'apport majeur de l'Europe au progrès en cardiologie, T. Mac Killop (Londres), CEO d'AstraZeneca et le Pr B. Williams (Leicester) ont dressé un constat alarmant de l'évolution au cours des vingt dernières années.
« Dans les années 1980, rappelle T. Mac Killop, 80 % des médicaments leaders venaient d'Europe - aujourd'hui 80 % viennent des Etats Unis. » D'autres chiffres expliquent ce déclin de l'Europe à commencer par une beaucoup plus grande prime à l'innovation : 70 % de pénétration du marché contre 18 % en Europe.
On retrouve la même tendance pour les dépenses de recherche et développement : entre 1990 et 2002, la part des Etats-Unis est passée de 26 à 34 %. Si l'on ajoute à cela que la Chine est déjà devenue le troisième pays pour les dépenses de recherche et développement (R&D) (une étude portant sur 45 000 patients n'y coûte que 3 millions de dollars, 10 fois moins qu'en Europe !), de même que la croissance rapide de la R&D, au Brésil, en Russie et en Inde (ils forment avec la Chine, la zone Bric de plus en plus attractive)... la place de l'Europe ne peut que décroître, constate T. Mac Killop.
Quand on sait que plus de 90 % des nouveaux médicaments sont découverts par l'industrie pharmaceutique, comment ne pas faire un parallèle avec l'évolution du marché pharmaceutique mondial : la part des Etats-Unis est passée de 31 à 49 % entre 1990 et 2003 alors que l'Europe régressait de plus de 10 points (de 37,8 à 27 %).
L'implication des gouvernements est également bien différente, avec des investissements directs en R&D qui sont 5 fois plus importants outre-Atlantique. Au total, chaque année, les Etats-Unis dépensent 91 milliards de dollars de plus que l'Europe en R&D !
Recherche clinique : la directive européenne en accusation.
Pour sa part, le Pr B. Williams (Leicester) a vivement critiqué la directive européenne sur les essais cliniques (CTD). Des directives qui sont parfaitement connues par seulement 14 % des chercheurs européens, alors que 42 % ignorent totalement leur existence, selon une récente enquête. Cela vaut peut-être mieux car 76 % des chercheurs craignent qu'une coordination européenne entraîne plus de bureaucratie et plus de la moitié redoutent un accroissement des coûts.
B. Williams demande au contraire moins de charges administratives et économiques, d'autant que le financement de la recherche universitaire est de moins en moins facile. Surtout, « il faudrait que l'importance de la recherche clinique soit mieux reconnue dans un continent qui privilégie systématiquement les recherches fondamentales et, enfin, les financements publiés ne devraient pas être autant dépendants des modes du moment ».
Après ces deux interventions, Q. Quintana Trias, représentant la Commission européenne n'a pas une tâche facile pour montrer les efforts de l'Europe pour stimuler la recherche clinique, notamment en cardiologie. On retiendra l'annonce pour l'an prochain d'un doublement du budget (de 5 à 10 milliards d'euros) et, aussi, un procès des lenteurs imposées par les Etats membres (un débat dont on a l'habitude, dans les deux sens).
Au total, la question posée par T. Mac Killop résume bien cette réunion : « Il ne s'agit pas de savoir si la recherche d'innovations thérapeutiques a un avenir mais si l'Europe en a un dans ce domaine qui correspond au cinquième secteur industriel mondial et qui procure près de 600 000 emplois qualifiés à notre continent. »
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