L'INTERDICTION du livre « le Grand Secret » du Dr Claude Gubler n'aurait dû être que provisoire, selon un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 18 mai. Le retrait de la vitrine du libraire, pour violation du secret médical, de l'ouvrage dans lequel l'ancien médecin personnel de François Mitterrand révèle que l'ex-président de la République avait menti pendant quatorze ans sur son état de santé, était légitime en référé, au lendemain de sa publication. En revanche, il ne se justifiait plus à partir du 23 octobre 1996, au moment où le tribunal de grande instance de Paris l'a confirmé sur le fond, dit la Cour, qui condamne Paris pour violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme sur la liberté d'expression.
Une fois le secret enfreint et son auteur condamné pénalement et disciplinairement, « il faut nécessairement prendre en compte le passage du temps pour apprécier la compatibilité avec la liberté d'expression d'une mesure aussi grave que l'interdiction générale et absolue d'un livre », soulignent les juges européens.
Un appel est possible.
Sur le fond, il est observé que la publication de l'ouvrage « s'inscrivait dans un débat d'intérêt général largement ouvert (en France) , relatif au droit des citoyens d'être informés des affections dont souffre le chef de l'Etat, et à l'aptitude d'une personne se sachant gravement malade à exercer de telles fonctions ». La France devra verser 26 500 euros de dommages-intérêts au plaignant, en l'occurrence les éditions Plon.
Prononcée par une « Petite chambre » de sept juges, la sanction offre le recours en appel, par la France comme par les éditions Plon. Si tel était le cas, l'affaire pourrait être réexaminée par une « Grande chambre » de dix-sept juges de la Cour de Strasbourg.
Le 16 janvier 1996, huit jours après le décès de François Mitterrand, le Dr Claude Gubler écrit dans « le Grand secret » que le prédécesseur de Jacques Chirac, atteint d'un cancer, a menti sur sa maladie dès 1991. Il révèle que « les communiqués officiels diffusés pendant plus de dix ans étaient mensongers », son illustre patient invoquant, d'après lui, « le secret d'Etat », et précisant qu' « à partir de 1994 le président n'était plus capable d'assumer ses fonctions ». La classe politique réprouve unanimement les dires du praticien. Edouard Balladur, alors chef du gouvernement, et Alain Juppé, ministres des Affaires étrangères, déclarent n'avoir jamais constaté une incapacité de François Mitterrand à diriger le pays.
Deux jours après sa publication, « le Grand secret », déjà vendu à 40 000 exemplaires et largement diffusé sur Internet, est retiré de la vente à la demande la famille Mitterrand. Le juge des référés pense qu'il constitue « une intrusion particulièrement grave dans l'intimité de la vie privée et familiale » du président. Le 5 juillet, le Dr Claude Gubler est condamné à 4 mois de prison avec sursis pour violation du secret professionnel, ce qui lui vaudra aussi d'être radié de l'Ordre des médecins. Le 23 octobre, le tribunal de grande instance de la capitale maintient l'interdiction de vente de l'ouvrage, et réclame à son auteur et à l'éditeur 340 000 francs de dommages et intérêts. Le jugement sera confirmé en appel et en cassation.
Le Dr Claude Gubler et Plon fondaient leurs derniers espoirs sur la Cour européenne des droits de l'homme, dont la décision du 18 mai peut être annulée en appel.
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