DE NOTRE CORRESPONDANT
EN PRATIQUE, la directive européenne sur les soins transfrontaliers, très fortement amendée par les parlementaires, donne la possibilité aux ressortissants d’un État membre de se faire soigner librement dans un autre État puis d’être remboursé dans leur propre pays, dès lors que les soins reçus à l’étranger sont aussi pris en charge dans leur pays d’origine. Le remboursement sera celui auquel ils auraient droit s’ils avaient été soignés chez eux.
En clair, le patient français qui consultera un généraliste allemand sera remboursé en France comme s’il avait vu un médecin français, et si le tarif du médecin allemand est supérieur, la différence sera à la charge du patient. Toutefois, les patients auront toujours besoin d’une autorisation préalable de leur pays d’origine pour les traitements hospitaliers, sauf bien sûr en cas d’urgence. La directive ne s’applique pas aux traitements de longue durée ni aux transplantations d’organes ; à l’inverse, les patients atteints de maladies rares ou de certains handicaps pourront bénéficier de soins à l’étranger, pris en charge par leur pays d’origine, même si ces soins ne sont pas disponibles dans leur propre pays. Cette disposition a été en effet rajoutée par les parlementaires, de même qu’un autre amendement qui prévoit de faciliter les remboursements de traitements hospitaliers transfrontaliers, lorsque ceux-ci sont autorisés : dans ce cas, les États et les hôpitaux, de part et d’autre d’une frontière pourront s’ils le souhaitent instituer des systèmes de « tiers payant » comparables à ceux existant au niveau national. Par ailleurs, la directive prévoit la mise en place des systèmes d’information pour que les patients puissent s’assurer du niveau de compétence des praticiens hors de leur pays, et leur donne par ailleurs des possibilités de recours en cas de plainte ou de préjudice.
Que décidera le prochain Parlement ?
Cette directive inscrit donc enfin, dans le droit européen, les jurisprudences de la Cour européenne de justice qui, dès 1997, avait estimé qu’un patient pouvait se faire soigner à l’étranger aux frais de son système national de santé. Toutefois, le vote de jeudi, loin d’être un plébiscite (297 voix pour, 120 contre et 152 abstentions) pose de nombreuses questions sur l’avenir du texte. Adopté en première lecture à moins de deux mois des élections européennes, il devra donc repasser devant le parlement dans quelques mois, mais rien ne dit que la nouvelle assemblée s’y montrera aussi favorable que l’actuelle. De nombreux États rejettent en effet cette directive, arguant qu’il menace leur propre organisation sanitaire, et les prochains parlementaires pourraient être plus sensibles à leurs arguments que les actuels députés. En outre, beaucoup de parlementaires redoutent à l’image des groupes les plus à gauche, que la « possibilité » de se faire soigner à l’étranger ne devienne un jour une obligation. En effet, la très grande majorité des patients souhaite d’abord être soignée dans son pays d’origine, hors urgence bien sûr, et l’organisation de flux transfrontaliers pourrait, selon certains députés, déboucher un jour sur des filières « obligatoires » entre pays plus ou moins bien équipés.
Le rapporteur du texte, le Britannique John Bowis, ancien ministre de la santé du Royaume Uni à l’époque de John Major, rejette ces craintes et souligne que la directive règle d’abord des problèmes ponctuels d’organisation transfrontalière. Il rappelle d’ailleurs que les soins transfrontaliers représentent moins d’un pour cent des dépenses de santé des pays membres. La langue reste souvent l’élément décisif pour stimuler les coopérations et les soins de santé transfrontaliers. Actuellement, c’est entre la Flandre belge, néerlandophone, et les Pays-Bas que les soins transfrontaliers sont les plus importants car les compagnies privées d’assurance santé néerlandaises envoient beaucoup de leurs assurées se faire soigner en Flandre, dans le cadre de partenariats passés avec les services de santé flamands. Les soins transfrontaliers restent par contre marginaux dans la quasi-totalité de l’UE, en dehors de quelques expériences d’organisation communes, menées par exemple entre l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas ou bien, plus à l’est, entre l’Autriche et ses voisins tchèques, slovaques et hongrois.
À l’issue du vote, le Comité Permanent des Médecins de l’Union européenne (CPME), qui représente les 2 millions de médecins européens auprès des institutions de l’UE, a exprimé sa satisfaction et voit dans la directive « un premier pas vers une véritable Europe des patients et de la santé ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature