La crise irakienne a révélé une crise européenne sous-jacente. Elle a avivé de sourdes rivalités franco-britanniques qui concernent moins, en définitive, la question du leadership européen que des antagonismes idéologiques très prononcés.
C'est la raison pour laquelle le gouvernement français n'a pas modifié sa politique extérieure au lendemain de la guerre, en balayant d'un geste les conseils multiples que lui apportaient beaucoup d'élus de droite. Jacques Chirac n'est pas antiaméricain à proprement parler ; il bâtit sa politique européenne sur un défi à l'Amérique. Tony Blair n'est pas seulement proaméricain ; il a publiquement exposé le concept d'un monde unipolaire où l'Europe aurait sa place sans hostilité aux Etats-Unis, alors que la France milite pour la création d'un contrepoids à l'hyperpuissance.
Le Premier ministre britannique est très mal placé, aujourd'hui, pour prendre la direction des affaires européennes. Il se situe dans une contradiction fondamentale : il souhaite remplacer la livre par l'euro, en dépit des réticences de l'opinion britannique ; il a failli perdre ses fonctions quand il s'est lancé à corps perdu dans la guerre ; il a contre lui une bonne partie du Labour, hostile à la « troisième voie » dont il a fait son credo socio-économique.
Le président français, au contraire, a été presque unanimement soutenu par son opinion quand il s'est dressé - et avec quelle vigueur - contre les Etats-Unis. C'est un Européen plus convaincant que Tony Blair et la France a adopté l'euro dès le début. Un euro qui devient une monnaie forte. Enfin, sous sa houlette, la France a épousé le droit international, la légalité onusienne, la charte des principes qui doivent gouverner les relations entre Etats. Tout ce qu'enseigne la construction de l'Europe et son mode de vie actuel.
Toutefois, le dessein français n'est pas soutenu par la réalité : on ne fait pas une défense européenne avec l'Allemagne économiquement épuisée, la petite Belgique et le minuscule Luxembourg. On la fait en alliant les deux armées qui comptent en Europe de l'Ouest : celles de la France et de la Grande-Bretagne. En outre, la France a minimisé le risque du retour de bâton américain. Défiés, les Américains entendent moins soumettre la France que la contourner. Quand ils accordent à la Pologne, pays de 40 millions d'habitants, le contrôle d'un tiers de l'Irak, ils passent au-dessus de la tête des instances européennes et divisent le continent avant même qu'il s'unisse.
M. Blair reviendra à la charge quand l'inanité des efforts français aura été prouvée, quand l'Allemagne reviendra à de meilleurs sentiments à l'égard des Etats-Unis, quand nous aurons perdu un certain nombre de contrats irakiens. Encore faut-il que le Premier ministre anglais puisse aller au bout de sa propre course.
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