Un veto polonais aux taux réduits de TVA

L’Europe bloquée

Publié le 01/02/2006
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LES POLONAIS N’ONT PAS TORT. Ils considèrent que les membres les plus importants de l’Union ne font guère de concessions aux pays plus petits et ne leur donnent rien en échange. On ne se hâtera donc pas de les blâmer.

On peut se demander en revanche s’il est normal d’utiliser le veto pour des questions qui mettent en jeu les politiques économiques nationales. Tous les détracteurs de la construction européenne se hâteront de dire que la France est empêchée par l’Union de réduire sa TVA sur la restauration et n’est même pas en mesure de prolonger (jusqu’en 2010) le taux réduit de TVA sur le bâtiment. On fait déjà le compte des emplois perdus en France.

Les mêmes ajouteront que le pire, dans le mécanisme de décision européen, c’est qu’il est gouverné par des gens qui se moquent de la crise sociale en France comme de leur première chemise.

Le mythe de l’euro inflationniste.

On leur répondra que si le traité constitutionnel avait été adopté, la règle de l’unanimité aurait laissé la place à celle de la majorité. On va pouvoir dire beaucoup de mal des Polonais, bien qu’ils fassent appel au sens de l’égalité, de l’Union, et bien entendu, de ce qu’elle nous coûte. Ce sont des conclusions non seulement superficielles, mais malhonnêtes : l’apathie européenne résulte des deux « non » aux référendums français et néerlandais sur le traité constitutionnel ; ce n’est pas une quelconque dynamique européenne qui nous appauvrirait, comme on veut le faire croire, par exemple en attribuant à l’euro l’inflation de ces trois dernières années alors qu’elle a une origine économique et non monétaire. Dès lors que l’Europe est faible, lente, atone, ne mettons pas chacun de nos problèmes au compte de l’Union.

Et les histoires de TVA, ce n’est rien par rapport à d’autres enjeux, comme la prise du pouvoir par le Hamas en Palestine ou l’aspiration de l’Iran à devenir une puissance nucléaire. Si la CEE n’avait pas été inventée par ses pères fondateurs, une concertation politique, économique et sécuritaire aurait de toute façon rapproché les Etats européens dans le cadre d’un organisme commun. Aucun des pays membres, même les plus importants, ne pèse d’un poids décisif pour avoir une influence diplomatique. Mais vingt-cinq pays, c’est une somme, pour autant qu’ils se mettent d’accord sur les notions essentielles.

Il n’est pas question de verser ad aeternam des larmes sur le traité constitutionnel, qui n’était ni un commencement ni une fin. Mais on veut espérer que de nouveaux leaders européens sauront redynamiser l’Union pour prendre le relais d’une diplomatie américaine qui, en ce moment, semble se chercher plus qu’elle s’affirme.

Il faut ausi que nous ayons les idées claires. Nous l’avons montré à propos du Hamas, sommé par les Européens de s’engager dans une voie pacifique et qui s’en plaint amèrement en dénonçant le « chantage » de la communauté internationale. Les intégristes palestiniens invoquent de la sorte un principe très répandu, à savoir qu’ils sont parfaitement disposés à toucher l’aide des Européens sans changer de politique et jusqu’au moment où ils participeront à des attentats en Europe. Nous ne devons accepter ni leur arrogance ni leur hypocrisie, même s’il est impossible, pour les Européens, d’abandonner les Palestiniens à une aventure qui se traduira par un chaos.

NOTRE IDENTITE D'EUROPEENS, C'EST LE REJET DE L'OBSCURANTISME

Peu de moyens face à l’Iran.

De la même manière, il nous est très difficile d’amener les Iraniens à renoncer à la construction d’une bombe atomique. Nous sommes, en l’occurrence, privés de tout moyen crédible : il suffit à l’Iran d’interrompre ses exportations de pétrole, ce qui lancerait le prix du baril dans une spirale infernale . Mais le Hamas et les mollahs seront plus impressionnés par une position européenne commune qui représente le point de vue de 500 millions de personnes que par une Europe faible, à la recherche des moyens institutionnels et structurels sans lesquels elle ne peut pas fonctionner.

Certes, une position commune n’a pas forcément besoin d’une intégration politique plus achevée de l’Europe. La question est plus large, plus fondamentale, plus philosophique. Des dangers menacent la France et l’Europe, que les peuples comprennent mal ; pour écarter ces dangers, il ne faut pas sacrifier la sécurité de demain à la quiétude d’aujourd’hui. Il faut du courage et de la fermeté.

La question ne concerne pas seulement la survie d’Israël, dont beaucoup d’Européens, qui l’ont vilipendé, s’aperçoivent aujourd’hui qu’il y a encore assez d’hommes pour souhaiter sa disparition et que, près de soixante ans après sa création, c’est un pays en guerre. Elle concerne une bataille où nous défendons notre identité de Français et, subsidiairement, notre identité d’Européens : nous ne voulons pas des formes d’obscurantisme qui accompagnent des politiques intégristes d’une hypocrisie et d’un cynisme achevés. Nous avons un modèle culturel (sinon social), c’est la France. Nous avons un bouclier, c’est l’Europe.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7890