L A leucoplasie orale, sorte de plaque blanchâtre de la muqueuse buccale, est la lésion précancéreuse la plus fréquente de la cavité buccale. Elle est associée à un risque accru de cancer dans la cavité buccale, mais il n'existe aucun signe clinique ou histologique fiable prédictif de régression spontanée ou de dégénérescence.
Entre 5 à 15 % des leucoplasies sont considérées comme dysplasiques à l'histologie. Parmi ces lésions dysplasiques, 15 à 20 % évolueront vers un cancer. Des arguments suggèrent que des anomalies du nombre des chromosomes (aneuploïdie) jouent un rôle dans la transformation maligne.
Sudbo et coll. (université d'Oslo, Norvège) ont examiné la valeur pronostique du contenu en ADN nucléaire (ploïdie) dans les leucoplasies orales dysplasiques de 150 patients, qui ont ensuite été surveillés régulièrement pendant une moyenne d'environ 9 ans (de 4 à 165 mois). Les biopsies obtenues tous les ans ont été évaluées histologiquement et classées en aveugle selon leur contenu en ADN. La survie sans maladie a été évaluée en fonction de la ploïdie et du grade histologique.
Parmi ces 150 patients ayant une dysplasie épithéliale, 36 ont développé un cancer (24 %). Le contenu en ADN se révèle être un puissant prédicteur du risque de transformation maligne au site de lésion.
Dysplasie épithéliale
Sur les 150 lésions dysplasiques, 70 % étaient diploïdes (normales) au moment du diagnostic initial et seules 3 % d'entre elles ont progressé vers un cancer. Treize pour cent des lésions dysplasiques étaient tétraploïdes et de risque intermédiaire, puisque 60 % d'entre elles ont progressé vers un cancer. Enfin, 17 % des lésions dysplasiques étaient aneuploïdes (anormales) et 84 % d'entre elles ont évolué vers un cancer.
Le risque est inversement associé au temps de transformation maligne. Ainsi, l'intervalle de temps moyen entre l'évaluation initiale du contenu en ADN et le développement du carcinome est de 3 ans (de 4 à 57 mois), dans le groupe des lésions aneuploïdes, et de 4 ans (de 8 à 78 mois) dans le groupe des lésions tétraploïdes. De façon surprenante, le degré de dysplasie n'est pas corrélé, dans cette étude, au contenu en ADN ou au risque de cancer.
Un progrès important dans l'évaluation moléculaire
Cette étude « marque un progrès important dans l'évaluation moléculaire du risque de cancer buccal chez les patients ayant une leucoplasie », notent les Drs Lippman et Ki Hong (university of Texas M.D. Anderson Cancer Center, Houston) dans un éditorial. D'autres marqueurs moléculaires, comme des pertes spécifiques d'hétérozygotie (par exemple aux chromosomes 3p et 9p), ont aussi été associés à la transformation maligne de la leucoplasie orale, notent les éditorialistes. « Il est temps, ajoutent-ils, d'établir des tests moléculaires standards pour aider à planifier le traitement de la leucoplasie orale. Bien qu'ils ne soient pas parfaits ou généralement disponibles, les tests, qui identifient la perte d'hétérozygotie et déterminent la ploïdie, représentent une amélioration sur les méthodes actuelles d'évaluation du risque de cancer oral chez les patients porteurs d'une leucoplasie. »
L'abstention thérapeutique surveillée pourrait être offerte aux patients qui ont des marqueurs moléculaires indiquant un faible risque, tandis que la confirmation d'une résection complète de la lésion, la surveillance étroite et des essais de chimioprévention pourraient être indiqués chez les patients considérés à haut risque, sur la base des tests moléculaires, y compris chez ceux porteurs d'une dysplasie sévère.
« New England Journal of Medicine », 26 avril 2001, pp. 1 270 et 1 323.
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