C'est aujourd'hui un fait avéré : la migraine est une pathologie chronique qui altère en permanence la qualité de vie des patients.
Les recommandations de l'Anaes sont ainsi d'instituer un traitement de fond chez le migraineux :
- quand la fréquence et la durée des crises entraînent un véritable handicap professionnel, social et familial ;
- quand le patient a la necessité au moins 3 mois de suite de 6 à 8 prises thérapeutiques mensuelles pour des crises migraineuses.
Dans ce contexte, des auteurs français ont réalisé l'étude clinique Promise - PROphylaxie de la MIgraine avec SEglor (1) - dont l'objectif était d'évaluer l'efficacité d'un médicament connu depuis longtemps - la dihydroergotamine* - dans la prophylaxie de la migraine.
Etude Promise (PRophylaxie de la MIgraine avec SEglor).
Il s'agit du plus vaste essai multicentrique randomisé, en double aveugle, contrôlé contre placebo, en groupes parallèles, mené en médecine générale, pour étudier l'efficacité d'un traitement de fond de la maladie migraineuse. Le suivi des patients, recrutés conformément aux critères de l'International Headache Society, comportait 7 visites sur 6 mois. L'observance médicamenteuse était évaluée par comptage des comprimés par l'observateur mais aussi par des bouchons électroniques assurant l'enregistrement de chaque ouverture du flacon.
Une période initiale de 4 semaines sous placebo était suivie d'une période thérapeutique de 5 mois durant laquelle les patients inclus prenaient du Séglor 5 mg, 2 fois par jour, ou un placebo. Le critère principal d'efficacité était la réduction du nombre de crises migraineuses et les critères secondaires, la réduction de la durée moyenne d'une crise et de la durée totale des crises migraineuses par mois, la diminution de leur intensité, la préférence du patient et la diminution des traitements symptomatiques.
A l'aide du questionnaire MSQ (2), deux sous-groupes de patients ont été par ailleurs définis en fonction de l'altération ou non de leur qualité de vie.
Réduction de 60 % de la fréquence des crises.
Sur 465 patients inclus, 384 ont été randomisés, 380 ont été évalués pour la tolérance et 363 pour l'analyse d'efficacité en intention de traiter. Ils étaient âgés de 39,1 ± 11,2 ans ; 80,7 % d'entre eux étaient des femmes et la durée moyenne de la maladie migraineuse était de 15,7 ans.
Chez les patients avec une qualité de vie altérée, 60% des patients ont bénéficié d'une réduction de la fréquence des crises contre 49% sous placebo (p = 0,01). Par ailleurs, Séglor a démontré une efficacité significativement meilleure (p < 0,05) pour la plupart des critères secondaires d'efficacité, notamment la durée moyenne de la crise migraineuse, la durée totale des crises par mois, la diminution des traitements symptomatiques (antalgiques de palier II selon le schéma de l'OMS) et la préférence du patient.
Diminution de l'observance au cours du temps.
La surveillance électronique de l'observance du patient vis-à-vis du traitement prescrit n'a révélé aucune différence entre les deux groupes randomisés (p > 0,05) mais :
- une insuffisance d'observance plus fréquente qu'une surcompliance ;
- une diminution de l'observance au cours du temps ;
- une observance significativement plus faible le soir que le matin ;
- une observance au cours du week-end significativement moindre qu'en semaine.
Par ailleurs, la qualité de vie, indépendante de la fréquence des crises migraineuses (p > 0,05), était en revanche corrélée à leur durée (p < 0,05) et à leur intensité (p < 0,01). Or, la fréquence et la durée des crises migraineuses ont été significativement réduites sous Séglor versus placebo (p < 0,05), mais exclusivement dans le groupe de patients ayant une qualité de vie altérée. De la même manière, c'est exclusivement dans ce groupe que le nombre de jours avec douleur au 4e mois a été significativement réduit (p < 0,05).
La tolérance enfin a été statistiquement comparable dans le groupe Séglor et le groupe placebo.
38% des patientes sans crise à 6 mois.
PROMISE constitue le plus large essai mené sur la prophylaxie de la migraine selon les critères IHS et un certain nombre de ses résultats méritent d'être discutés quant à leur apport en pratique quotidienne.
L'efficacité du placebo dans cet essai tout d'abord peut probablement s'expliquer par la méthodologie même de l'étude, qu'il s'agisse de l'expérience des investigateurs en matière d'essais cliniques ou de l'enregistrement électronique de l'observance. L'efficacité de ce programme suggère ainsi qu'une prise en charge doit être recommandée à tous les praticiens en association avec toute prescription médicamenteuse.
La fréquence moyenne des crises migraineuse a été plutôt faible (3,3 crises par mois), mais les patients évalués étaient représentatifs de la population de migraineux vue par les médecins généralistes. Or, d'une part, l'effet placebo semble être plus élevé lorsque la fréquence des crises est moindre (analyse de 13 essais IHS récents), d'autre part, aucun traitement prophylactique reconnu n'a démontré, jusqu'à aujourd'hui, une plus grande efficacité que le placebo lorsque la fréquence des crises migraineuses enregistrée lors de la phase initiale est inférieure à 4 crises par mois.
La surveillance électronique de l'observance médicamenteuse n'a montré aucune différence entre les groupes randomisés, ce qui pourrait s'expliquer par le bon profil de tolérance de Séglor.
Qualité de vie altérée : critère de décision pour initier un traitement de fond.
En termes de qualité de vie, les résultats confirment que la fréquence des crises migraineuses n'est pas un paramètre suffisant pour établir la nécessité d'un traitement prophylactique de la migraine. En effet, la qualité de vie des patients à l'inclusion était indépendante de cette fréquence. Pourtant, les résultats de cet essai montrent que seuls les patients avec une qualité de vie altérée bénéficieraient d'un traitement prophylactique de la migraine par Séglor.
Le bon profil de tolérance de Séglor a été confirmé comme étant statistiquement comparable à celui du placebo, paramètre essentiel en ce qui concerne un traitement destiné à être prescrit au long cours.
En conclusion, l'étude PROMISE pose la question du critère principal d'efficacité à utiliser dans les essais cliniques impliquant les médecins généralistes. Quand le nombre initial de crises par mois est inférieur à 4, la fréquence des crises n'est probablement pas le meilleur critère et d'autres variables doivent aussi être prises en compte. Parmi celles-ci, la qualité de vie des patients semble la meilleure pour établir la nécessité d'un traitement prophylactique de la migraine.
Dans ce travail, Séglor a démontré une efficacité significative sur la fréquence des crises migraineuses, sur leur durée et sur le nombre de jours avec douleur, mais ce exclusivement dans le groupe de patients avec une qualité de vie altérée. En d'autres termes, indépendamment de la fréquence des crises migraineuses, les patients avec une bonne qualité de vie ne nécessitent probablement pas un traitement prophylactique de la migraine.
(1) « Cephalalgia » 2003 ; 23 : 772.
(2) « Headache » 1998 ; 38 : 295-302
* commercialisée par Schwarz Pharma sous le nom de Séglor
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