Cher Patrick,
C’est en tant qu’ancien PHTP en pédiatrie, et donc collègue, que je m’adresse à toi par voie de presse… en espérant atteindre par ton intermédiaire l’équipe de « Charlie Hebdo ». J’ai été intensément touché par ton interview à la télévision après les tragiques événements que nous avons vécus, et par ton « hug » avec François Hollande. J’ai été touché par tes larmes. Elles ont fait monter les miennes, y compris maintenant en t’écrivant. J’ai marché dimanche 11 janvier avec toi à Paris, moment fort de communion simplement humaine, et je suis prêt à le refaire.
Je suis « islamophobe » au sens étymologique du terme, qui signifie que j’ai très peur de l’Islam tel qu’il se présente dans ses aspects fondamentalistes et tel qu’il fait si horriblement parler de lui aujourd’hui dans le monde… et je suis aussi « islamophile » au sens où je respecte les croyants musulmans non violents, en tant qu’êtres humains, tout en ne ne partageant plus moi-même aucune foi.
Et je suis Charlie au sens où la liberté d’expression dont fait usage « Charlie Hebdo » me paraît un acquis laïc fondamental et à défendre bec et ongles… et en même temps… je ne suis pas Charlie pour les deux raisons qui suivent :
Pour des raisons culturelles, celle dont nous nous réclamons, et qui nous mène aujourd’hui à représenter le Prophète en caricatures, n’est de toute évidence malheureusement pas comprise – ou pire, est vécue comme une humiliation – par des millions d’hommes. Il me semble que dans ce cas précis, il faut se demander s’il est aujourd’hui – et je dis bien aujourd’hui et dans le contexte actuel – approprié ou responsable d’être dans la provocation et d’en « remettre une couche » alors que la simple renonciation discrète à caricaturer le Prophète mettrait sans doute un peu d’huile dans les rouages relationnels entre des cultures cohabitant si difficilement sur cette planète. Il me semble en l’occurrence que la priorité, aujourd’hui, c’est le respect, sachant que seuls les récipiendaires peuvent dire s’ils ont, eux, le sentiment d’être respectés… Ça n’implique aucunement de renoncer à dénoncer sans faille les aspects inacceptables de l’Islam tels que l’absence d’égalité hommes-femmes… ou pire encore. L’humiliation est un moteur puissant de la violence. Est-ce cela que nous voulons ?
Par ailleurs, on ne peut plus se le cacher : nous sommes en guerre, au minimum des valeurs. Et les guerres entraînent des victimes, parfois collatérales et innocentes… et malheureusement aussi des morts, ce n’est pas à toi que je vais l’apprendre. Nous sommes en guerre et cette guerre qui ne fait que commencer sera sanglante et probablement longue. Et lorsqu’on est en guerre, afin de limiter les pertes humaines, il peut être nécessaire de se fixer certaines limites, réfléchies, à la liberté d’expression. Je voudrais m’assurer qu’à « Charlie Hebdo », vous avez bien évalué le risque, en continuant à caricaturer le Prophète, de contribuer éventuellement – même un tant soit peu, même indirectement, pour l’intégrité du principe de liberté d’expression (… et d’intégrité à intégrisme il n’y a pas loin), ou enfin par bravade – à la survenue d’autres événements dramatiques et vraisemblablement à l’addition d’autres victimes…
C’est parfois ce qui peut apparaître comme une faiblesse, celle de renoncer temporairement à caricaturer le Prophète, et ce faisant à humilier, qu’on est fort et qu’on montre son humanité.
Bon courage à toi et très confraternellement, Patrick.
Les négations du DOC
Je trouverais LE DOC plus drôle s’il respectait la langue française et, plus particulièrement, la forme négative qui exige un « ne » ou un « n’ ». Le dessin publié le 26 janvier en Une du « Quotidien » emploie une forme affirmative comme certains le font avec les interrogations : ex. « tu fais quoi ? », « on mange quand ? », etc.. Notre langue est déjà bien attaquée par ailleurs. N’y ajoutez pas vos fautes. Merci.
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